« Mon premier grand voyage remonte à quinze ans. C’était en Jordanie et à Jérusalem. À l’époque, je ne prenais jamais de vacances. Cette année-là, j’étais très fatigué. “Ça te fera du bien de partir”, m’ont dit mes parents et mon frère avec lesquels je gère l’exploitation. Depuis, chaque hiver, je pars 15 jours, voire trois semaines, dans un pays lointain. Je garde une fenêtre en janvier sans vêlage et sans traite de chèvres. Tout est organisé un an à l’avance. Je voyage toujours en groupe avec une agence locale avec laquelle j’ai tissé des liens.

J’ai exploré seize pays. L’Afrique australe, l’Inde et Cuba sont mes destinations préférées. Se retrouver en Tanzanie sur le plateau du Ngorongoro, entouré d’éléphants, est une expérience unique, tout comme visiter les lieux mythiques comme le Taj Mahal, le Machu Picchu… Le mur des lamentations à Jérusalem ou Bénarès en Inde, à l’ambiance lourde, m’ont marqué profondément. Une ville telle que Dubaï, m’a impressionnée par sa démesure, et m’a donné le sentiment d’être chez les fous ! En Afrique du Sud, en Égypte, au Mexique, j’ai perçu une grande violence. À Cuba, la misère est palpable partout, mais la musique est aussi omniprésente.

Chaque voyage me donne l’occasion de rencontrer un ou plusieurs agriculteurs aux exploitations très différentes, de 5 000 m² à 30 000 ha. À l’échelle du globe, les écarts se creusent. Quand l’agro-industrie débarque et investit dans les terres agricoles, c’est la fin de l’agriculture. Ça fait peur.

Tous ces séjours m’ont fait prendre conscience de notre chance. Nous vivons dans un pays où nous mangeons à notre faim, où nous pouvons être soignés, et partir à la retraite. Nous trouvons ça normal, mais ça ne l’est pas à l’échelle du monde. Pendant le confinement lié au Covid, notre guide indien a reçu comme seul soutien public de l’État, 4 kg de riz par mois !

Dans beaucoup de pays, les femmes ont l’interdiction de sortir et les enfants ne vont pas à l’école. Ils mendient ou travaillent très jeunes.

Heureux de partir, je suis très content de rentrer, de retrouver mes amis, et mes clients sur le marché pour partager ces voyages ».