«J’ai toujours un tracteur dans la tête. » Les mots sont lâchés. Ils résument bien la passion de Mathieu Prieur pour la collection d’engins d’antan. Passion qui ne le quitte plus depuis que son oncle, Georges Franckard, lui a transmis ce “virus” au milieu des années 1990. Titulaire d’un bac pro agricole, Mathieu, fils et petit-fils d’agriculteur, a depuis changé de voie pour celle des travaux publics, où il est chef d’équipe.

 

Son arsenal de tracteurs lui permet d’entretenir un lien fort avec le monde paysan, ainsi qu’avec ses souvenirs d’enfance. « Chez mon grand-père, j’ai passé d’innombrables heures à faire les foins. J’ai le sentiment d’avoir toujours eu cet engouement pour la mécanique », confie-t-il.

Création d’une association

Ce père de famille de trente-sept ans vit à Tortisambert, dans le pays d’Auge, où il y a accumulé vingt-trois tracteurs, presque autant d’attelages et huit cents modèles réduits. Ses matériels datent du début des années cinquante aux années soixante-dix. Il détient des pièces rares, comme un tracteur équipé d’un moteur Picquand de 1950 et une botteleuse Rivière-Casalis trois roues de 1954.

Mathieu refuse pourtant de faire de la surenchère. Il choisit surtout des modèles à remettre en état de marche. Il lui arrive parfois d’en exhumer, abandonnés parmi de vieux ronciers. « Ce sont les heures passées et le savoir-faire que je leur consacre qui redonnent de la valeur à ces engins, précise le passionné. La vraie récompense c’est d’arriver à faire renaître un tracteur et d’entendre le bruit de son moteur. Le machinisme ancien est un vrai patrimoine, mais qui doit rester vivant. »

 

Au-delà des objets, notre collectionneur cherche autant que possible à connaître leur histoire. Chaque pièce devient ainsi unique. Il ne tire aucun profit financier des trésors qu’il a entre les mains et ne revend que ceux qu’il juge irréparables.

 

«Un vrai savoir-faire autour de ces bijoux »

Avec des amis, Mathieu a créé l’association Tracteurs agri coll’oubliés, afin d’organiser des animations à destination du grand public. « Les jeunes chauffeurs ne réalisent pas qu’ils seraient bien incapables de conduire ces spécimens. Il y a un vrai savoir-faire autour de ces bijoux », souligne-t-il.

 

Le goût de l’ancien est devenu sa philosophie de vie. Mathieu a mis dix ans à rénover une masure à colombage qui était en ruine pour en faire son habitation. « J’aurais apprécié de vivre dans les années soixante, révèle-t-il. J’ai le sentiment qu’on savait prendre le temps. Il y avait beaucoup d’activité dans les campagnes, et aussi beaucoup de solidarité. »

Alexis Dufumier