Viser 120 kg de poids vif à l’abattage, cœur de gamme des grilles de paiement, garantirait-il la meilleure rémunération des porcs ? À l’heure de fortes variations des prix des matières premières et de celui du porc, cette recommandation est remise en cause par les travaux réalisés par une équipe de la firme de service Mixscience. En tenant compte de la capacité de tri des éleveurs, les résultats indiquent que la recherche du cœur de gamme n’est pas toujours liée à de meilleurs résultats économiques. Les contextes récents, avec une baisse du prix de l’aliment et un prix du porc plus élevé, ont montré parfois une opportunité d’alourdir les porcs afin d’améliorer les revenus, même si cela était associé à une plus-value plus faible.

Pour déterminer les stratégies les plus profitables, les chercheurs ont simulé une grande diversité de contextes. Ils ont fait varier les données sur l’alimentation (aliments utilisés, programme alimentaire, quantités distribuées, mode de distribution), la génétique, s’il s’agissait de mâle entier ou castré, la capacité des élevages à exprimer le potentiel de croissance de chaque lot. Ils ont intégré la fluctuation du prix du porc, de l’aliment et de la coche.

Quatre facteurs

L’analyse de la durée d’engraissement, du poids d’abattage, de la marge sur le coût alimentaire et la plus-value moyenne a été réalisée pour un abattage à 120 kg de poids vif et à l’optimum économique (Opec), autrement dit le moment où la marge sur coût alimentaire (MCA) est maximisée. Cet Opec est fortement influencé par quatre facteurs : le prix du porc, le prix de l’aliment, la valorisation du potentiel de croissance en fonction des conditions d’élevage, la variabilité du poids des porcs abattus.

Le principal enseignement de l’étude est que l’Opec n’est que rarement atteint en fixant les départs à 120 kg. Ce poids unique, pensé pour garantir la meilleure plus-value, se révèle « sous-optimal » à l’échelle de l’éleveur sur le plan économique, surtout lors de conjonctures favorables. En période de prix du porc élevé, il s’avère plus rentable d’alourdir les porcs, en prolongeant la durée d’engraissement de quelques jours. Dans plus de 90 % des cas simulés, le poids idéal d’abattage dépasse les 120 kg, avec un surcroît moyen de l’ordre de 6 kg.

Cette stratégie, qui peut sembler contre-intuitive, permet d’augmenter la MCA de 2 à 2,50 €/porc en moyenne, et pour certains jusqu’à 3 €/porc et plus sur l’année. « Abattre systématiquement à 120 kg n’est pas le plus rentable dans la majorité des cas, et peut représenter un manque à gagner significatif, surtout quand le marché est porteur. Une hausse de 10 centimes du prix du porc sans changer le poids d’abattage revient à ne pas aller chercher une marge de 40 centimes par porc », explique Pierre Gaigno, data scientist chez Mixscience.

À l’inverse, la hausse du coût de l’aliment incite à réduire la durée d’engraissement pour éviter l’érosion de la marge. « Notre analyse pour l’année 2023 montre qu’en adaptant la durée d’engraissement à chaque contexte, les éleveurs auraient pu gagner en moyenne 1,53 €/porc, et bien plus dans certains élevages », poursuit-il.

Cette étude reste exploratoire. « Si les deux principaux facteurs, le prix de l’aliment et le prix du porc, sont indépendants de l’éleveur, il peut jouer sur deux autres critères : la capacité à améliorer les performances zootechniques et la variabilité du poids des porcs abattus (capacité de tri lors du départ), précise Pierre Gaigno. Reste que la mise en pratique de cette approche personnalisée doit tenir compte des contraintes d’élevage (vide sanitaire), qui demandent alors de repenser le programme alimentaire. »