Christian Pons, président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) et apiculteur dans l’Hérault, évoque une « année noire » pour l’apiculture française, après plusieurs saisons caniculaires ou des périodes de gel tardif. « Il y a dix ans, je faisais 1,5 à 2 tonnes par rucher contre 100 kg aujourd’hui », assure-t-il. Ces difficultés interviennent après les manifestations d’apiculteurs en début d’année contre la « concurrence déloyale » des miels étrangers, ce qui avait conduit le gouvernement à débloquer une aide de cinq millions d’euros.

Une moitié de récolte

« C’est une année catastrophique » : Mickaël Isambert, apiculteur à Saint-Ours-les-Roches, dans le Puy-de-Dôme, a perdu 70 % de sa récolte de miel et a dû nourrir ses colonies pour qu’elles survivent à la suite du printemps pluvieux et froid. À la « Ruche des Puys », 450 ruches installées à 800 mètres d’altitude dans un cadre verdoyant, la récolte est désormais terminée.

Dans l’atelier d’extraction de miel, les hausses, des étages ajoutés sur le corps de ruche avec des cadres vides pour recueillir le miel, sont rangées dans des caisses en bois. « Sur ce cadre, il y a seulement du miel au milieu et ce cadre-là est complètement vide », décrit Mickaël Isambert.

« Le temps au printemps n’a pas permis aux colonies de butiner : il a fait froid, il a plu la plupart du temps et il a fallu les nourrir » avec du sucre, raconte l’apiculteur de 44 ans, cogérant de l’exploitation. Résultat : « Des frais supplémentaires pour une récolte moindre. »

Lorsqu’il pleut, les abeilles « ne volent pas, elles ne sortent pas, donc elles mangent leurs réserves de miel », explique Marie Mior, également cogérante et apicultrice. À cela s’ajoutent des températures trop fraîches pour que les fleurs produisent du nectar, indispensable à l’abeille. « Nous n’avons pas fait de miel de printemps, pas d’acacia, un peu de châtaigniers et un peu de miel de montagne », détaille-t-elle. En temps normal, une ruche produit environ 15 kg de miel. « Cette année, nous serons plutôt entre 5 à 7 kg », estime Mickaël Isambert.

Partout en France

Le phénomène est général : « Cette année, la récolte est mauvaise sur l’ensemble du territoire français », affirme Henri Clément, porte-parole de l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française) et apiculteur en Lozère. Lui-même évalue ses pertes à près de 50 % mais « il est trop tôt pour avoir un bilan global ».

« Les conditions météorologiques ayant été catastrophiques dans de nombreuses régions avec des pluies abondantes (+45 % de pluviométrie en comparaison des moyennes annuelles, selon Météo-France) et des températures basses tardives, de nombreux apiculteurs et apicultrices voient la viabilité de leur exploitation mise en péril », alerte l’Unaf dans une lettre de soutien adressée à ses syndicats départementaux.

« Selon les régions, on assiste à des baisses de production de miels de printemps de 20 à 80 %, qui seront difficilement compensées par les récoltes d’été », ajoute l’organisme.

Jean-Luc Hascoët est apiculteur à Cast (Finistère). Chez lui aussi, « les températures ont stagné en dessous des 18° nécessaires à la nectarification des fleurs ». « Au mois de juin, la population des abeilles va en augmentant et les besoins des colonies sont de plus en plus importants mais comme rien ne rentrait, certaines sont mortes de faim », témoigne-t-il, estimant avoir ainsi perdu une quinzaine de colonies. « Pour certains collègues, c’est bien pire », ajoute-t-il.