« Je reste très prudent mais je vois mal comment la justice après deux décisions favorables pourrait revenir en arrière », déclare Paul François, fustigeant la « stratégie d’épuisement de l’adversaire » adoptée par Monsanto. Paul François, céréalier de la Charente, avait été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto.

Un long combat judiciaire

Le Lasso est interdit en France depuis novembre 2007, mais dès 1985 du Canada, puis en 1992 en Belgique et au Royaume-Uni. Son mal reconnu comme maladie professionnelle, Paul François s’est lancé dans un combat judiciaire contre Monsanto, filiale de Bayer depuis 2018. Il réclame au groupe une indemnisation à hauteur de « plus d’un million d’euros ».

 

Paul François avait obtenu gain de cause en première instance et en appel. Monsanto s’étant pourvu en cassation, l’affaire a été de nouveau examinée devant la cour d’appel le 6 février 2019. À l’issue de l’audience, l’agriculteur s’était dit « blessé » bien qu’« habitué aux coups », l’existence de ses séquelles ayant été contestée par les avocats de Monsanto.

Les avocats à la manœuvre

Devant la presse, l’avocat de Monsanto, Maître Jean-Daniel Bretzner s’était notamment appuyé sur le livre écrit par Paul François – « Un paysan contre Monsanto » paru en 2017 – dans lequel ce dernier reconnaissait, selon lui, avoir été « négligent le jour J », tout en sachant « pertinemment qu’il s’agissait de produits dangereux ».

 

« Juridiquement, le dossier est solide et il n’y a rien de changé du côté de la défense de Monsanto. Ils nient tout en bloc mais on espère que la juridiction saura passer outre », estime l’avocat du plaignant, Maître François Lafforgue. Une victoire de Paul François ne mettrait pas forcément fin à son combat judiciaire, Monsanto pouvant à nouveau se pourvoir en cassation.

Bayer attend

Contactée par l’AFP, Bayer, dont le cours de Bourse a plongé de 38 % depuis l’acquisition du spécialiste des produits phytosanitaires et des semences OGM, s’est dit « dans l’attente de la décision » de jeudi, se refusant à tout commentaire à ce stade.

 

Selon une porte-parole de l’association Phyto-Victimes, présidée par Paul François, en France, « des procédures contre des firmes, on en a peu car il est souvent difficile d’identifier le produit à l’origine de l’intoxication ».

 

Aux États-Unis, c’est pour avoir fait usage d’un autre produit de Monsanto, le Roundup, pour désherber sa propriété, qu’un Californien de 70 ans, souffrant d’un lymphome non-hodgkinien, a obtenu le 28 mars la condamnation du groupe américain à lui verser plus de 80 millions de dollars. L’entreprise a fait appel.