Au 1er janvier 2017, l’utilisation des produits phytosanitaires a été interdite pour les collectivités. De leur côté, les jardiniers amateurs n’ont plus eu accès aux phytos en libre-service.

Le ton était donné pour les professionnels aussi. Toute l’année s’est passée sous la menace des restrictions d’usage de produits phytosanitaires. À commencer par l’arrêté de 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytos qui devait être fortement revu. Finalement, après moult rebondissements et de grosses frayeurs pour la profession, peu d’éléments diffèrent dans la nouvelle version de 2017. La mise en place des zones non traitées en bordure des forêts, fossés, jardins ou habitations, un temps envisagée, a été pour l’instant abandonnée. Concernant les établissements accueillant des personnes vulnérables (écoles, crèches, hôpitaux…), les préfets avaient déjà la possibilité depuis janvier 2016 de fixer les dates et horaires des traitements phyto autour de ces lieux, de faire installer des haies antidérive, et d’imposer des distances minimales à respecter.

Sursis de trois ans pour le glyphosate

Mais cet arrêté du 4 mai 2017 fait déjà l’objet d’un recours en justice déposé en novembre par plusieurs organisations, dont Générations futures. Elles estiment que ce texte « n’est pas conforme à la loi et pas à la hauteur des menaces que font peser sur notre santé les pesticides ».

Et c’est pour ces mêmes raisons que le feuilleton du glyphosate a également été au cœur des débats en 2017. Pour sûr qu’il le sera encore ces prochaines années. Les États membres de l’Union européenne ont finalement voté, le 27 novembre, en faveur du renouvellement pour cinq ans de l’autorisation du glyphosate en Europe, qui a été officialisé le 12 décembre par la Commission. La France, elle, reste sur sa position d’interdire l’herbicide d’ici à trois ans. Pour faire passer la pilule auprès de la profession, les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique avaient commandé à l’Inra un rapport sur les alternatives à cet herbicide. Dans ce rapport rendu public le 1er décembre, rien de révolutionnaire, comme prévu. Une large place a été laissée au travail du sol, mais qui ne peut s’appliquer dans toutes les terres. L’Inra préconise également des mesures d’accompagnement à l’arrêt du glyphosate : aides à l’investissement, mobilisation des MAEC Systèmes, conseil, formation, utilisation des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP)… L’État devait s’inspirer de ce rapport pour présenter sa feuille de route pour la sortie du glyphosate lors de la clôture des États généraux de l’alimentation le 21 décembre.

Par ailleurs, dans le cadre du dispositif des CEPP, trois nouvelles fiches viennent, au 12 décembre 2017, compléter la liste des actions à mettre en œuvre pour diminuer l’utilisation des phytos. Au total, 31 sont validées (à retrouver sur le portail Ecophytopic) et concernent l’utilisation de produits de biocontrôle, de variétés ou de matériels. Encore trop peu pour réduire de façon importante l’usage des phytos. Pour Emmanuel Macron, le président de la République, diminuer l’impact et l’utilisation de ces produits passerait par la séparation du conseil et de la vente. Une intention qui pourrait se muer en loi avant la fin du premier semestre de 2018. « Sur beaucoup de produits phytosanitaires, il y a encore une vente liée qui fait que le conseil n’est pas indépendant », estime-t-il.

Pour la FNSEA, réduire les risques et l’impact des produits phyto pour répondre aux demandes des consommateurs et aux attentes des agriculteurs, passe par le contrat de solutions. Signé par une trentaine d’organisations agricoles et de recherche en décembre (syndicats, interprofessions, chambres d’agriculture, fonds de formation…), ce contrat se veut une « trajectoire de progrès pour la protection des plantes ». Les signataires souhaitent « proposer des solutions et non des interdictions, pour que ce sujet ne fasse plus polémique ».

Et la polémique vient notamment de l’exposition de la population aux pesticides. Une étude qui cible spécifiquement la mesure de l’exposition des riverains de zones arboricoles et viticoles débutera d’ailleurs début 2018. Une campagne exploratoire de surveillance des produits phyto dans l’air démarrera également en France l’an prochain. Le but : évaluer l’exposition moyenne de la population et identifier d’éventuelles situations de surexposition. Elle sera mise en place par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) et s’appuiera sur les recommandations de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire). 90 substances prioritaires ont été identifiées en fonction de leur présence avérée dans l’air et de leur potentiel danger. De quoi apporter des éléments de connaissance sur ces questions fortes de la société.

Éclairer les citoyens sur les enjeux des phytos et proposer des alternatives, c’est également l’objectif de la mission d’information sur l’utilisation des produits phyto lancée en octobre par les députés (lire encadré).

Derniers mois pour les néonicotinoïdes

Autre interdiction et non des moindres : celle des néonicotinoïdes prévue par la loi pour la reconquête de la biodiversité à partir du 1er septembre 2018. Si des dérogations sont accordées, le retrait pourra être repoussé, au plus tard, au 1er juillet 2020. Pour cela, les ministres chargés de définir ces dérogations vont s’appuyer sur le travail de l’Anses, qui « établira un bilan comparant les bénéfices et les risques » des néonicotinoïdes et des produits ou méthodes de substitution disponibles. Deux avis devraient être rendus. Le premier attendu en ce mois de décembre portera sur les usages des traitements de semences. Le rapport définitif incluant les autres usages est prévu pour mars 2018. Le problème est qu’aucune innovation ne devrait surgir et que des impasses existent.

Dans le sillon des néonicotinoïdes, le sulfoxaflor a fait l’objet d’une polémique cet automne. Ce qui a abouti au retrait provisoire des deux insecticides concernés en France (lire encadré p. 63).

2018 verra également la fin de l’utilisation des phytos (y compris les produits de biocontrôle) sur les surfaces d’intérêt écologique (SIE) dans le cadre du verdissement de la Pac. Applicable au 1er janvier 2018, cette interdiction sera un coup dur pour la filière des protéagineux qui reprenait à peine des couleurs.

Perturbateurs endo­criniens bientôt définis

Autre sujet qui vient amender la réduction de l’usage des phytos : les critères de définition des perturbateurs endocriniens.

La première version du texte établissant ces critères, adoptée par les États membres début juillet, a été retoquée par le Parlement en octobre. Les États membres ont adopté un nouveau texte début décembre.

Le principal élément remis en cause était l’exemption accordée à certains produits phytosanitaires conçus pour affecter le système endocrinien d’une « cible » spécifique (un insecte désigné), mais pas celui des « vertébrés » comme les humains. Le retrait de ce paragraphe le plus controversé, seul changement majeur du nouveau texte, n’a toutefois pas entièrement satisfait les ONG.

« Une fois en vigueur, le texte garantira que toute substance utilisée dans les pesticides et identifiée comme perturbateur endocrinien pour les humains ou les animaux peut être évaluée et retirée du marché », a affirmé le commissaire européen à la Santé. Le Conseil et le Parlement doivent encore donner leur feu vert au texte qui pourrait être appliqué courant 2018.