Molécules Le grand Ménage
En protection des cultures, beaucoup de filières françaises, usages mineurs en tête, sont confrontées à des conditions distorsives par rapport à nos voisins. Mais s’il fallait ne donner qu’un exemple, ce serait celui des néonicotinoïdes. Leur retrait en septembre 2018 a touché d’innombrables usages. Et même si trois molécules sont sujettes à des restrictions dans l’UE, des dérogations ont pu être prises ailleurs (sur betteraves notamment, en Belgique, Pologne, Autriche, Finlande…). Or, chez nous, la loi Biodiversité vise tous les néonicotinoïdes. « L’application de la réglementation doit se faire selon les règles européennes, c’est pourquoi nous avons engagé une action au niveau du Conseil d’État, qui n’a pas tranché, indique Eugenia Pommaret, directrice de l’UIPP. Nous sommes actuellement en attente de la réponse de la Cour européenne de justice. » De plus, un projet de loi issu de la loi Egalim propose d’étendre cette interdiction aux substances ayant un mode d’action identique (flupyradifurone et sulfoxaflor, pourtant autorisé dans 18 états membres), censées succéder aux néonicotinoïdes.
Engrais et phytosDes Coûts élevés
La redevance pour pollution diffuse (RPD), payée par les agriculteurs sur leurs achats de pesticides, ne trouve que quelques équivalents dans l’UE (« l’Ecotassa » en Italie et la « cotisation pour les pesticides à usage agricole » en Belgique). En France, la RPD a été revue à la hausse à l’occasion du projet de loi de finance 2019. Selon la FNSEA, cela représente une majoration des charges d’environ 1 500 €/an pour les producteurs de grandes cultures. La taxe de phytopharmacovigilance, mise en place en France uniquement, pèse également sur les entreprises du secteur phyto. À cela s’ajoute la suppression des remises, rabais et ristournes sur les pesticides (+ 10 à 15 % des prix des produits, selon la Coordination rurale), et la mise en place d’un conseil payant obligatoire dans le cadre de la séparation du conseil et de la vente (+15 €/ha selon la CR). Une taxation ou une modulation de la fiscalité des engrais azotés en fonction de leur potentiel de volatilisation pourrait également être mise en place en France, dans le cadre du Prépa (1). Pour l’heure, les discussions sont au point mort.
Par ailleurs, la taxe antidumping sur les engrais azotés, instaurée définitivement le 8 octobre 2019 au niveau de l’UE, désavantage les agriculteurs européens vis-à-vis des pays tiers (+ 6 % des coûts de production en grandes cultures, selon la FNSEA).
Stockage de l’eau En rade
« Notre application de la directive cadre sur l’eau n’est pas la même que celle des autres pays européens et ne donne pas les mêmes possibilités, notamment au niveau du stockage », soutient Eric Frétillère, président d’Irrigants de France. Et de préciser que l’Espagne stocke l’eau dix fois plus que la France (48 % des flux annuels contre 4,7 %). Le transfert de l’eau d’une zone où elle est en abondance vers une région plus sèche est par ailleurs plus poussé dans la péninsule ibérique. L’Italie se tourne aussi vers la réutilisation des eaux usées traitées. » Cette situation est d’autant plus paradoxale que la France dispose de ressources abondantes par rapport aux autres pays européens. Avec 211 milliards de m3/an, c’est la seconde ressource en eau renouvelable en Europe après la Norvège. Cependant, son taux d’utilisation de 15 % est parmi les plus faibles, bien inférieur à l’Allemagne (21 %), l’Italie (23 %) et l’Espagne (29 %). Les usages agricoles représentent 1,7 % en France, contre 17 % en Espagne. Par ailleurs, le volume d’eau prélevé en France en 2010 pour les cultures irriguées (1 700 m3/ha/an) est plus faible que les 4 800 m3 observés en Espagne et en Italie ou que la moyenne de l’UE (4 000 m3).
OGM Cultures interdites
Les OGM représentent une autre source de distorsions avec les autres pays de l’UE. Si une centaine de plantes transgéniques sont autorisées à l’importation et à la mise en marché en France, la culture d’OGM y est interdite depuis 2008. Désormais, seuls l’Espagne et le Portugal en implantent dans l’UE (maïs Mon810 résistant à la pyrale). A côté de cela, l’Amérique du Nord et celle du Sud inondent les marchés avec leurs soja et maïs transgéniques. Les débats sociétaux sur les OGM se concentrent sur les NBT (nouvelles techniques de sélection) permettant de modifier le génome de manière ciblée.
(1) Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.