Chez Mathieu Colas, rien ne se perd tout se transforme. Preuve en est, son rouleau faca est un outil hybride monté de toutes pièces par ses soins. Cet agriculteur est installé sur l’exploitation familiale depuis 2008. La ferme située sur la commune de Castelnau-d’Arbieu, dans le Gers, comprend 150 ha de cultures bio dont 30 hectares repris récemment encore en conversion. Avec l’aide de ses parents, il cultive du blé, des féveroles, du seigle ou encore du soja.
Plusieurs essais
« L’exploitation est passée au bio depuis 1992, mais je ne me suis vraiment lancé dans l’implantation de couverts que depuis peu, explique Mathieu. Je cherchais à réduire les passages de déchaumeurs dans les parcelles et ainsi laisser reposer la structure des sols. » Depuis 2010, l’agriculteur a effectué plusieurs essais de semis et de destruction de couverts. Lors du premier test, la destruction avec le déchaumeur à dents a fortement maltraité la structure du sol à cause d’un printemps humide. « Lors d’un autre essai, j’ai détruit le couvert avec ma charrue, mais maintenant j’essaye de me passer de cet outil pour laisser mon sol tranquille », précise l’intéressé.

L’an dernier, Mathieu s’est tourné vers une autre solution, avec deux passages du déchaumeur à disques Carrier Väderstad. Mais un épisode pluvieux a retardé le second passage et a fait relever les crucifères.
Coucher et pincer les tiges
Après cette dernière expérience, l’agriculteur a décidé qu’il lui fallait un rouleau adapté pour détruire ses couverts sans abîmer ses parcelles. « J’ai commencé l’été dernier à réfléchir et à regarder ce qui se fait en termes de rouleaux hacheurs sur le marché. J’ai finalement choisi de construire ma propre machine pour que ça soit moins cher. »
L’outil réalisé par Mathieu est semi-porté et repliable. Il est composé de trois parties de 2 m de large pour une largeur de travail totale de 5,95 m avec le chevauchement. Son principe n’est pas de broyer, mais de coucher et pincer les tiges des couverts.

Pour ce faire, cette machine est composée de deux rouleaux de diamètres différents. Ils tournent ainsi à des vitesses distinctes et pincent les plantes à plusieurs endroits. En se basant sur ces recherches, Mathieu a fait en sorte que son outil puisse suivre au mieux le terrain grâce à différentes articulations sur les supports de rouleaux.
Des pièces d’occasion
« Le point de départ de la construction fut l’achat des trois parties du gros rouleau, trouvées d’occasion sur internet. Ensuite, j’ai repéré un vieux cover-crop pas trop loin de chez moi, toujours sur internet. J’ai donc sauté sur l’occasion. J’ai commencé par le démonter et revendre les pièces dont je n’avais pas besoin. J’ai conservé les poutres des trains de disque pour fabriquer mes supports repliables de rouleau. J’ai choisi de fabriquer en partie les petits rouleaux, pour économiser de l’argent et ne pas attendre d’en trouver. Malgré ça, j’ai quand même dû acheter des pièces d’acier neuves comme les paliers, les flasques pour les petits rouleaux et les bagues en bronze pour les articulations. »

La béquille avant vient d’un vieil enrouleur qui dormait dans la cour de la ferme. Les roues et l’essieu ont été remplacés. Ils sont issus d’un plateau qui lui-même a été fabriqué à partir d’une bétaillère accidentée. Enfin, une manivelle est présente à l’arrière pour affiner l’horizontalité de l’outil.
« J’ai mis deux mois à le fabriquer, mais je me mettais dessus quand j’avais le temps. Pour les barres du petit rouleau, ma première idée était de monter des lames d’attaque de godet mais face au prix, je me suis rabattu sur des bords d’attaques de charrue en acier traité. »
Des évolutions prévues
Au total, Mathieu estime qu’il en a eu pour 5 000 € de matériaux. Pour la prochaine saison, l’agriculteur a prévu d’utiliser aussi l’outil sur les cannes de tournesol car elles ont tendance à abîmer les tracteurs lors du déchaumage. Dans les temps à venir, il a pour objectif d’y ajouter des masses, un système d’éclairage, des plaques de gabarit ou encore de le peindre intégralement pour le protéger. Il compte également réutiliser les freins de l’essieu. Paul Denis