Il y a une dizaine d’années, Emmanuel Guionnet a décidé d’arrêter le labour pour privilégier le travail superficiel. L’agriculteur charentais, qui a également une entreprise de séchage de grains, un gîte et des chambres d’hôtes, cherchait à faire des économies, jugeant ses charges en carburant importantes. À l’époque, il cultivait exclusivement du maïs et du maïs pop-corn sur ses 80 ha, dont 65 ha sont irrigables. À la suite de ce changement de pratique, il a diversifié son assolement. Au maïs pop-corn se sont ajoutés le soja, le tournesol, le blé et l'orge d’hiver.
La première année sans labour, il observe un compactage de ses sols argilo- calcaires, qui s’est estompé la campagne suivante, « en mettant en place des couverts à enracinement profond », rapporte-t-il. L’agriculteur constate les bénéfices : une présence plus importante de vers de terre ou encore la matière organique concentrée sur la couche supérieure du sol.
Toutefois, après quelques années de non-labour, la gestion des adventices, notamment des graminées, devient de plus en plus compliquée. « Le travail superficiel, la rotation et les couverts ne suffisent pas à les maîtriser », explique-t-il. L’avenir incertain du glyphosate l’inquiète également.
Face à l’impasse, Emmanuel Guionnet choisit donc de ressortir sa charrue, non sans crainte. « Mes parcelles avaient retrouvé une bonne vie du sol. De plus, le labour contribue à l’érosion, visible dans certains de mes champs car elle fait ressortir les blocs de béton à la base de poteaux électriques ! » Le retour au labour, à 20 cm de profondeur, s’est révélé très efficace contre les graminées. L’agriculteur y recourt désormais tous les trois ou quatre ans, de façon opportuniste, lorsque les parcelles sont trop envahies par les adventices, et surtout lorsque les bonnes conditions sont réunies.
Les couverts pour limiter l’érosion
« Je n’interviens pas si le sol est humide ou trop gras, indique-t-il. L’an dernier, j’ai labouré en bonnes conditions au début d'octobre avant de semer les céréales d’automne. Je n’ai pas eu de problèmes de graminées ensuite, et pas eu besoin de faire de désherbage de rattrapage. » Le labour lui évite par ailleurs un passage d’antigerminatif pour graminés. Implantés juste après le labour, les couverts à base de féverole aident par ailleurs à protéger les sols de l’érosion. Ils sont détruits par un déchaumage.
Seules les terres profondes argilo-calcaires de l’agriculteur sont labourées, mais pas les terres de vallées inondables, constituées à 80 % d’argile. Sur ces dernières, où la rotation est à base de maïs et de soja, la pression des graminées est élevée. Un travail superficiel a lieu au printemps, et pas à l’automne pour éviter l’érosion, ainsi qu’un désherbage chimique de rattrapage.
Tous les problèmes de désherbage ne sont pas réglés pour autant, en particulier ceux causés par le datura et l’ambroisie. « Leurs graines peuvent rester viables longtemps en terre, et le travail du sol peut les remonter à la surface, déplore Emmanuel Guionnet. Le labour aide un peu, mais ce n’est pas aussi efficace que pour les graminées. J’arrive à gérer l’ambroisie et le datura avec la culture du maïs dans la rotation, mais j’ai la chance d’avoir accès à l’eau. »
Pour l’agriculteur, ses terres profondes sont un avantage. « J’ai conscience que tout le monde n’a pas la possibilité de labourer à 20 cm. Le labour n’est pas une solution miracle, mais il fonctionne dans mon système. »