Dans son village de Levin, en Nouvelle-Zélande, Richard McIntyre élève 450 vaches laitières. Jusqu’à l’an dernier, une partie d’entre elles partaient à l’exportation pour la Chine. Mais depuis le 1er mai 2023, cela n’est plus possible. Toute exportation d’animaux vivants par voie maritime est désormais interdite.
Un manque à gagner pour les éleveurs
Se voulant à la pointe du bien-être animal, Wellington avait déjà banni en 2003 les départs par bateaux pour les ovins, puis en 2008 pour les animaux destinés à l’abattoir.
« Cela nous permettait de tirer 800 dollars de plus par tête pour des vaches laitières et 200 pour des bêtes à viande », calcule Richard McIntyre.
Las, il doit faire sans ce revenu et avec une pression croissante sur le marché intérieur. « Dans le secteur laitier, nous produisons plus de veaux que nous n’avons de pâturages pour les élever », constate-t-il, déplorant le manque de débouchés.
Hésitations au pouvoir
Le gouvernement libéral aux manettes depuis octobre dernier avait promis une levée de l’interdiction. Un engagement qui n’a pas encore été tenu. Une pétition a été déposée au Parlement pour s’opposer à une reprise des exportations. Elle a recueilli plus de 32 000 soutiens.
Les signataires arguent qu’une reprise des exportations reviendrait sur des progrès en matière de bien-être animal et nuirait à la réputation internationale du pays. Des critiques que balaie Richard McIntyre, assurant que les conditions sont les plus respectueuses au monde.
« Les Néo-Zélandais se sont tiré une balle dans le pied de façon incroyable », constate Tony Seabrook, éleveur de moutons à York, en Australie-Occidentale. Il faut entendre là un soupir et une crainte que cela arrive chez lui. Car en Australie aussi, le débat fait rage.
En 2022, le candidat travailliste, Anthony Albanese, avait promis une interdiction progressive des exportations de moutons vivants par bateaux. Mais depuis son élection, il n’en est rien. De commission en consultation, la décision est repoussée. Pas d’interdiction lors du mandat actuel, a concédé le Premier ministre, qui devra se soumettre aux suffrages des Australiens en 2025.
Pour les éleveurs, la menace plane toujours et vient noircir un tableau déjà sombre. Tony Seabrook dresse le constat : « On vendait pour 200 dollars australiens le mouton il y a un an, c’est 50 dollars aujourd’hui. On perd de l’argent à ce tarif. » Une seule solution à ses yeux : « Que les politiciens disent “on a fait une erreur” et renonce à l’interdiction. »
Une polémique
Mais l’actualité ajoute aux inquiétudes. Le 5 janvier, un bateau à destination d’Israël a été bloqué et a dû opérer un demi-tour, attendre devant son port d’origine, débarquer ses 15 000 bêtes, les recharger puis repartir pour arriver le 6 avril dans le port d’Haïfa.
Entre des agriculteurs à fleur de peau et une population de plus en plus mobilisée sur le bien-être animal, les gouvernements des deux pays marchent sur une ligne de crête.