La liste des inquiétudes s’agrandit en Europe, avec de premiers échos de rendements de blé et de colza en dessous des attentes. Heureusement, les maïs français semblent pour le moment rassurer les opérateurs. Dans le même temps, le début des moissons américaines et russes vient faire pression sur les prix européens. L’ajustement des estimations du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) dans le rapport mensuel publié le vendredi 12 juillet 2024 mettra au diapason les opérateurs pour les semaines à venir.
Blé : des chiffres de production incertains dans l’hémisphère Nord
Les moissons suivent leur cours dans l’hémisphère Nord, ce qui permet d’affiner les estimations des productions de blé tendre. Les premiers chiffres de rendements annoncés dans certains pays viennent d’ailleurs faire pression sur les cours du blé malgré la tension fondamentale toujours présente. C’est notamment le cas des États-Unis, où la moisson avance à bon rythme, et en Russie, où les 20 % de surfaces récoltées affichent un rendement au-dessus des attentes, en particulier dans la région de Krasnodar. Les chiffres russes sont toutefois à surveiller de près, les régions les plus touchées par les intempéries du début du printemps n’étant pas encore très avancées dans leur moisson. Les récoltes bulgares et roumaines contrastent avec le reste de l’Europe et pourraient atteindre des niveaux proches des records.
Dans le même temps, la situation dans le reste de l’Union européenne continue de se dégrader et d’inquiéter les opérateurs. La Copa-Cogeca estime une baisse de 6 % de la production de blé tendre dans l’Union européenne, à 117,5 millions de tonnes. En France, les pluies continues depuis le début de l’automne ont fortement perturbé les semis, poussant la sole de blé à être revue en baisse de 153 000 hectares par Agreste par rapport au mois de juin, à 4,24 millions d’hectares, bien loin des 4,75 millions d’hectares de l’an passé. Les conditions de cultures continuent d’ailleurs de se dégrader, selon FranceAgriMer. L’office français estime à 57 % le blé en bon à excellent état, soit un point de moins que la semaine passée. Pour rappel, l’an dernier ce chiffre s’élevait à 80 % à la même date.
Ainsi, le blé rendu Rouen base juillet hésite sur la direction à prendre dans la zone des 220 €/t et 230 €/t. Les opérateurs temporisent en attendant le rapport de l'USDA de ce soir qui pourrait afficher des réajustements des niveaux de production de certains pays de l’hémisphère Nord.
Maïs : des potentiels de production pour le moment optimistes en France et aux États-Unis
Les cours du maïs en France se redressent depuis le début du mois de juillet, revenant au-dessus de la zone psychologique des 200 €/t, à 206 €/t en base juillet rendu Bordeaux, soit une hausse hebdomadaire de 11 €/t. Le développement des cultures reste sous surveillance en Europe à l’approche de la période de floraison.
Les pluies régulières et les températures clémentes semblent pour le moment favorables en France, avec 83 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, selon FranceAgriMer. À cela s’ajoute une révision en hausse des surfaces françaises selon Agreste, en passant de 1,44 million d’hectares à 1,6 million d’hectares.
Les potentiels de production sont pour le moment optimistes en France mais les incertitudes sont plus nombreuses dans l’est de l’Europe. Les conditions très sèches depuis plusieurs semaines et surtout les températures élevées en Roumanie, en Bulgarie et en Hongrie posent de nombreuses questions sur les volumes de production dans cette zone, qui représente plus de 30 % de la sole de l’Union européenne. Ces conditions climatiques se propagent également en Ukraine, où les indices de végétation décrochent déjà et les rendements commencent à être révisés à la baisse.
Ailleurs dans le monde, les regards se tournent évidemment vers les États-Unis. La révision à la hausse des surfaces dans le dernier rapport de l'USDA rassure les opérateurs. Dans le même temps, les potentiels de rendement sont optimistes avec toujours 68 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, contre 55 % l’an passé à la même date. Forts de cela, les fonds continuent de vendre des positions, mettant la pression sur le marché américain. Il sera intéressant de suivre les ajustements de l’USDA dans le rapport mensuel de ce vendredi 12 juillet, souvent source de volatilité sur le marché des grains.
Colza : correction des cours au milieu des incertitudes de production
Au début de la semaine, le colza Fob Moselle était remonté à 508 €/t, son plus haut niveau depuis mars 2023, avant de reculer aujourd’hui à 475 €/t. Il faut dire que la graine a été pénalisée par le récent repli des huiles végétales. En Malaisie, les exportations d’huile de palme s’affichent en net repli de près de 13 % par rapport au mois de mai, renforçant les stocks du pays à 1,83 million de tonnes, au plus haut depuis février dernier. Sans parvenir à résister à cette pression venue de l’Asie du Sud-Est, l’huile de colza Fob Rotterdam se rapproche des 1 000 €/t, cédant plus de 20 €/t sur la semaine.
Ainsi, les inquiétudes portées sur le potentiel de production de colza en Europe et en mer Noire ne sont pour l’instant pas suffisantes pour soutenir les cours de la graine. Et ce d’autant plus que le canola canadien devient attractif pour les importateurs européens. D’ailleurs, les conditions de culture du Saskatchewan sont favorables au développement du canola : 84 % des surfaces étant en bon ou excellent état contre 48 % l’an passé à la même période.
Pourtant, les craintes sont bel et bien toujours d’actualité en Europe continentale. Les premières coupes en Ukraine sont décevantes, le rendement moyen de près de 300 000 tonnes récoltées étant à seulement 1,53 t/ha, loin des 2,08 t/ha de l’année dernière. Enfin en France, le rapport Agreste a mis à jour ses estimations de surfaces de colza à 1,34 million d’hectare, et de rendement à 2,95 t/ha affichant une production à 3,94 millions de tonnes, en baisse de 7,7 % par rapport à l’an passé.
Soja : l’approvisionnement du marché en graine de soja ne fait aucun doute
Les perspectives de production de graine de soja sur le continent américain font pression sur l’ensemble du complexe sans épargner les tourteaux. Pour les récoltes terminées depuis plusieurs mois en Amérique du Sud, les derniers réajustements ont encore lieu notamment en ce qui concerne le Brésil. La publication de l’institut brésilien, la National Suply Company (Conab), ce 11 juillet laisse certes inchangée son estimation de 147 millions de tonnes par rapport au mois précédent.
Toutefois, l’USDA au travers de son rapport mensuel du 12 juillet pourrait faire converger son chiffre de 153 millions de tonnes vers celui de l’office brésilien. Cette réduction de 6 millions de tonnes n’inquiète en rien les opérateurs au regard des attentes concernant les futures récoltes.
Aux Etats-Unis dans un premier temps, 68 % de la sole de soja est jugée dans un état bon à excellent. Cette notation exceptionnellement élevée à ce jour conforte la projection d’un rendement record estimé pour le moment pour 2024 à 52 boisseaux par acre. Néanmoins, la période de risque climatique est encore longue aux Etats-Unis avant de pouvoir acter les 121 millions de tonnes attendues par l’USDA dans sa publication de juin. Si les semis en Amérique du Sud ne débuteront que dans plusieurs mois, là-bas aussi les attentes sont élevées puisque l’institut américain table déjà sur une production de 169 millions de tonnes au Brésil en 2024.
Forte de ces perspectives d’approvisionnement en matières premières importantes, l’activité de trituration pourra continuer à battre son plein sans réelle menace jusqu’à présent. Ainsi, le tourteau de soja délivré montoir chute sur son niveau le plus bas depuis décembre 2021 en perdant au cours de la semaine 20 €/t pour atteindre 417 €/t.
Avancée des récoltes américaine, européenne et en région mer Noire, début de la période de floraison des maïs en Europe continentale, dégradation des rendements européens, évolution de la parité euro/dollar, conditions des cultures canadiennes et américaines, rapport de l’USDA ce soir.