Des chercheurs des universités d’Exeter et Bath (1) au Royaume-Uni, ont travaillé sur l’évolution de la pression exercée par la fusariose sur épi de blé et son coût en l’Europe, entre 2010 et 2019. Le fruit de ces recherches a été publié le 15 décembre 2022 par la revue Nature Food. Plusieurs espèces de champignons du genre Fusarium sont à l’origine de la maladie et produisent différentes mycotoxines. Le déoxynivalénol (Don) est la mycotoxine la plus retrouvée par les chercheurs, dans les blés meuniers comme fourragers, et dans tous les pays européens.

75 millions de tonnes déclassées

Entre 2010 et 2019, 75 millions de tonnes, soit 5% du blé pour l’alimentation humaine, ont dépassé le taux limite de mycotoxines Don fixé par la Commission européenne (750 microgrammes par kilo). Cette dernière ne fixant pas de seuil en alimentation animale, les produits contaminés ont été déclassés vers ce débouché, générant une perte estimée à trois milliards d’euros. "Nos estimations n’incluent pas les pertes liées à la baisse des rendements, à d’autres mycotoxines de la fusariose de l’épi ou au coût des applications fongiques", indiquent les chercheurs.

En moyenne, 47 % des blés européens sont contaminés et l’apparition du Don est restée relativement stable dans la plupart des pays sur la période étudiée. "Contre toute attente, une légère corrélation négative entre la fréquence d’apparition du Don et sa concentration moyenne a été établie dans certains pays", notent les auteurs de l'étude.

Alerte en alimentation animale

"La situation est plus préoccupante en alimentation animale", écrivent les chercheurs. Le Don y a été détecté dans 64 % des échantillons testés. Contrairement à l’alimentation humaine, une corrélation positive a été établie entre la fréquence d’apparition et les niveaux de concentration de la mycotoxine. La concentration moyenne des échantillons testés, de 858 microgrammes (μg) par kg, dépasse la limite pour l’alimentation humaine, mais reste en deçà du seuil indicatif donné par la Commission européenne, qui s’élève à 8000 μg/kg. 1,5 % des échantillons l'ont dépassé.

Les pays de latitude plus basse ont montré une prévalence plus forte. La France en fait partie : 85 à 93 % des blés fourragers contaminés, à une concentration moyenne comprise entre 1 279 et 1 393 microgrammes par kg. "Le cheptel européen est ainsi continuellement exposé à des taux de Don élevés, avec de potentielles conséquences négatives sur leur santé", alertent les auteurs.

De tels niveaux de contamination dans ces régions pourraient être attribuables "à l'évolution des pratiques agronomiques et du climat. On sait que le travail du sol limité et la culture de maïs [...] fournissent un substrat au fusarium pour passer l'hiver et produire de l'inoculum au printemps", expliquent-ils.

Autres mycotoxines

Si le Don est davantage présent, le changement du profil des mycotoxines alerte de plus en plus les chercheurs. Ceux-ci ont ainsi évalué le risque d'une cocontamination de plusieurs mycotoxines de la fusariose de l'épi. "Environ 25 % du blé meunier et 45 % du blé fourrager contaminé par le Don ont été testés positifs à d’autres mycotoxines, rapportent-ils. [...] Les blés testés au Don ne l’ont toutefois pas nécessairement été pour toutes les autres mycotoxines. Le niveau de cocontamination relevé pourrait donc être sous-estimé."

(1) Louise E. Johns, Daniel P. Bebber, Sarah J. Gurr & Neil A. Brown.