« La douleur a débuté après un hiver très humide », raconte Nicolas Floc, éleveur laitier de 42 ans. « Mes vaches logées sur aire paillée étaient sales. J’ai dû redoubler d’efforts pour nettoyer et désinfecter les trayons. En fin de traite, je n’arrivais plus à serrer la main droite et je devais laver avec la main gauche », détaille le jeune producteur installé en 2015 à Guipel (Ille-et-Vilaine). Sur l’exploitation familiale de 50 vaches et 60 hectares, Nicolas Floc utilise une salle de traite 2 × 5 fonctionnelle, équipée d’un décrochage automatique. Seul sur l’exploitation, il trait tous les jours, deux fois par jour, toute l’année (sauf remplacements ponctuels).
Il se résout à consulter un médecin pour le canal carpien. « Cinq ans après mon installation, je ne pouvais plus continuer ainsi. » Il prend alors contact avec la MSA et Christophe Cosme, conseiller en prévention, est venu analyser son poste de travail lors d’une traite (lire l’encadré). Diagnostic : « Nicolas n’avait pas le choix. Pour maintenir son activité de traite, il devait impérativement réduire les gestes répétitifs », résume-t-il.
Automatisation
Entre le nettoyage des trayons, le séchage, les premiers jets, le branchement, le trempage, le nettoyage des griffes et la désinfection, le trayeur enchaînait huit gestes par vache, multipliés par le nombre d’animaux.
Nicolas a trouvé des solutions grâce à la technique. Il a installé une brosse (ou pistolet à mamelles) Udder Gun qui permet de réaliser les opérations de préparation de la mamelle (laver, désinfecter, sécher, premiers jets) en éliminant les pressions de la main. Il a aussi investi dans un dispositif d’automatisation du post-trempage et de désinfection des griffes, de la société ADF Milking France, installé sur son matériel existant.
« Aujourd’hui, je n’effectue plus que deux interventions et mes douleurs ont disparu », se félicite Nicolas qui observe aussi une amélioration de la qualité du lait (moins de cellules). Ce mieux-être a toutefois un coût : 25 000 euros pour le dispositif ADF et 7 000 euros pour la brosse, avec un accompagnement financier de 2 000 euros de la MSA. « Un dispositif finance des projets d’améliorations des conditions de travail (matériels, aménagements…). Les aides, non systématiques, peuvent aller de 1 000 à 4 000 euros, sans dépasser 50 % de l’investissement. L’exploitant n’est éligible que tous les cinq ans », précise Christophe Cosme.
Un exosquelette devenu indispensable
Il y a deux ans, des douleurs sont apparues aux épaules cette fois. « Porter la brosse, puis la griffe et brancher les faisceaux restent des gestes répétitifs, il faut lever les bras. » Nicolas investit alors dans un exosquelette (4 500 euros) après en avoir testé plusieurs. « La différence est flagrante. Je ne pourrais plus m’en passer. C’est une assistance réelle », assure le producteur. Il a pris l’habitude de travailler avec et il ne se sent pas gêné lorsqu’il emprunte les passages d’homme. Enfin, à certaines périodes de l’année, il pratique la monotraite le dimanche, qui permet de le soulager.
« Agir avant qu’il ne soit trop tard » : c’est ce qui a motivé Nicolas, particulièrement sensibilisé à la prévention. Dix ans dans les travaux publics comme manœuvre, conducteur d’engins et chef de chantier avant son installation agricole y ont contribué. « C’est une profession plus habituée aux équipements (casque antibruit, EPI…), à la sécurité, mais aussi aux contrôles sur le terrain », estime-t-il.
Nicolas projette dans quelques années l’installation d’un robot de traite pour résoudre un autre mal : le manque de main-d’œuvre dans les élevages.