«Pendant deux ans, nous nous sommes battus, avec le directeur, pour trouver une solution. Nous espérions trouver un investisseur, mais les dettes étaient trop importantes », lance Hervé Hardy, ancien président de Gatichanvre. Malgré les aides publiques, la chanvrière de Prunay-sur-Essonne (Essonne) n’est pas parvenue à remonter la pente. Elle a déposé le bilan en mars 2021, avec un passif de 9 millions d’euros, laissant sur le carreau les soixante-sept agriculteurs actionnaires et une centaine de planteurs.

Cet été, le tribunal de commerce d’Évry a validé, au terme d’une procédure de conciliation judiciaire, la reprise de Gatichanvre par Plantes et fruits. Le gérant, Jean-Raymond Vanier est agriculteur. Il détient PMA28, une entreprise de production­ de plantes médicinales et aromatiques, et Fruitofood, une société de déshydratation de fruits. Basé en Eure-et-Loir, il développe depuis deux ans la production locale de graines bio (chardon-marie, tournesol, lin, caméline…) pour alimenter une huilerie, qui sera opérationnelle à la fin de l’année, près de Châteaudun. L’objectif affiché est de passer de 200 à 500 hectares de production bio en 2022.

Marché des huiles bio

Contrairement aux agriculteurs qui avaient créé Gatichanvre en 2016 pour le marché de l’isolation, Jean-Raymond Vanier convoite le chanvre pour son huile. « Cela nous ouvre des opportunités sur le marché des huiles bio, explique-t-il. Sur les 900 hectares cultivés au sud de Paris, seulement 10 % sont en bio. Notre ambition est d’en passer la moitié, voire davantage, en bio. Nous continuerons aussi à développer le marché de la plasturgie pour la fibre et celui du béton de chanvre pour l’isolation. Le marché est mûr et en utilisant les trois parties de la plante, la production sera plus rentable. »

D’importants travaux vont être réalisés dans l’unité de défibrage, à hauteur de 2 millions d’euros, pour une remise en route en 2022. La transition se fait dans le dialogue. « Je suis content que la filière survive. On aidera le repreneur comme on peut », ajoute Hervé Hardy. Le grand défi de Jean-Raymond Vanier sera de mobiliser à nouveau les agriculteurs. « Je vais faire le point avec eux, mais je ne suis pas solidaire du passé », précise-t-il. Autrement dit, le passif n’est pas repris. Les agriculteurs ont perdu la gouvernance de l’outil et certains épongent de lourdes dettes. Aude Richard