« J’ai choisi un moyen de protection qui ne convient sûrement pas à beaucoup d’exploitations, avoue Gilles Morvan, à la tête de 1 200 brebis à Lopérec, dans le Finistère. Cette clôture que je suis en train de mettre en place est toutefois adaptée à la structure de mon parcellaire (300 ha) regroupé autour de mes bâtiments. » Grâce à ce parc constitué de douze fils lisses espacés de 10 cm, dont un tiers est électrifié, l’exploitant compte bien gagner la bataille contre les loups.
« Je n’ai pas opté pour le grillage car il ne résiste pas au passage des sangliers, sauf lorsqu’il s’agit du modèle spécial gibier, mais celui-ci est trop coûteux », explique-t-il. Le chantier en cours sur 300 ha devrait revenir à environ 200 000 € et s’étaler sur six ans. « Deux tiers de ce coût sont liés à la main-d’œuvre pour le montage et le reste au matériel, dont une partie sera subventionnée dans le cadre du plan loup », précise-t-il.
Des bouleversements profonds
Depuis l’arrivée du prédateur dans le département il y a deux ans, Gilles Morvan a enregistré une vingtaine d’attaques et une quarantaine de brebis tuées. Son système d’exploitation est déjà profondément bouleversé. L’effectif du troupeau a été diminué de 500 têtes pour que chacune des brebis, qui rentrent désormais tous les soirs dans les bâtiments, puisse trouver une place. « Cette situation comporte beaucoup d’inconvénients car les brebis ne sortent que sur un nombre restreint de paddocks. Cela génère du surpâturage et des problèmes sanitaires dus au regroupement des animaux », souligne-t-il.
Rentrer les animaux tous les soirs représente une charge de travail conséquente. Les lots qui restent dehors sont rapidement repérés par le loup. Un lot de béliers en a fait les frais cet hiver. Depuis le rassemblement nocturne, les attaques sur le troupeau ont cessé, mais elles se poursuivent sur ceux des voisins moins protégés. Dans le Finistère, de janvier à mars 2024, neuf attaques indemnisables ont déjà été constatées pour dix-sept victimes.
« Je m’attendais à l’arrivée du prédateur, mais pas si tôt, explique Gilles Morvan. Mes collègues du Sud-Est, que je croisais régulièrement lors des réunions professionnelles, nous alertaient depuis longtemps au sujet du fléau qu’était la prédation. » C’est ainsi qu’avaient germé plusieurs projets dans l’esprit de l’exploitant. La clôture en faisait partie, tout comme les chiens de protection, dont deux sont aujourd’hui présents sur la ferme, même s’ils ne sont pas « fonctionnels » à 100 %.
La finition d’un premier parc de 150 ha devrait mettre fin à la situation transitoire problématique. « La « barrière » sera en tout cas étanche. Beaucoup d’animaux (cerfs, chevreuils…) ne pourront plus pénétrer dans le parc, ce qui stoppera la continuité écologique », regrette Gilles Morvan.
En attendant, la DDTM a prêté des filets de 1,60 m de haut pour limiter les velléités du ou des prédateurs. Officiellement, un seul mâle serait présent et aucune meute ne serait constituée. Les indices collectés ont permis de déceler que l’animal était originaire d’Europe centrale et de l’Est.