« Nous sommes en train d’expertiser les conséquences que peut avoir la clause de sauvegarde, ainsi que sa robustesse pour protéger nos agriculteurs, explique Pascal Canfin, député européen français du parti Reniew. Il est trop tôt pour conclure. Si la clause de sauvegarde est formellement validée par les pays du Mercosur au moment de la signature de l’accord, alors ils ne pourront pas faire comme si elle n’existait pas et elle sera opérationnelle. Mais si les pays du Mercosur ne donnent pas leur accord sur cette clause de sauvegarde, alors son avenir est en pointillé, car le mécanisme de rééquilibrage fragilisera considérablement la clause de sauvegarde. »
« Si l’Union européenne prend une disposition législative supplémentaire, une clause miroir sur les néonicotinoïdes par exemple, ou des amendements aux législations européennes, comme étendre la loi déforestation importée à d’autres écosystèmes, les pays du Mercosur seront en droit de demander des compensations grâce au mécanisme de rééquilibrage. »
« Comment la clause de sauvegarde va interagir avec le mécanisme de rééquilibrage ? Est-ce qu’elle sera bien reconnue par les pays du Mercosur comme faisant partie de l’acquis au moment où ils signent ? Dans ce cas, ils ne pourront pas demander de compensation en raison de l’activation de la clause de sauvegarde. Dans le cas contraire, le mécanisme de rééquilibrage pourrait être utilisé contre la clause de sauvegarde. »
« Grâce à ce mécanisme de rééquilibrage, les pays du Mercosur pourront exiger des compensations dans le secteur concerné, souligne Pascal Canfin. En agriculture, il peut s’agir de plus de quotas sans tarifs douaniers pour le soja, le maïs ou le bœuf par exemple. Mais les compensations peuvent aussi se faire sur d’autres secteurs. »
«Si l’Union européenne ajoute des clauses miroirs sur les néonicotinoïdes, au vu des risques négatifs sur les exportations brésiliennes, les pays du Mercosur pourront demander un droit à compensation sur les voitures allemandes par exemple. Dans ce cas, l’Allemagne se positionnera contre la mesure miroir, ce qui renforcera encore le coût politique à l’adopter. C’est grave et il y a une forme d’hypocrisie à dire j’accepte [l'accord avec] le Mercosur et je promeus les clauses miroirs puisque [l'accord avec] le Mercosur comporte un mécanisme anti-clause miroir. »
« Le mécanisme de rééquilibrage est une bombe à retardement. La première demande de l’Inde dans l’accord commercial que l’on négocie actuellement, c’est d’obtenir ce mécanisme. La demande de la Malaisie, c’est aussi ça. Nous mettons le doigt dans un engrenage qui est une atteinte caractérisée à notre souveraineté. Il est donc important d’agir à la racine et de voir si ce mécanisme, qui va plus loin que l’accord OMC, est compatible avec le droit européen. C’est tout le sens de la saisine de la Cour européenne de justice que nous voulons faire, de manière transpartisane. »