« Sur le Mercosur, les inquiétudes sont vives parce que la Commission européenne veut passer en force », a regretté Annie Genevard. La ministre de l’Agriculture sortait d’un entretien ce mercredi 25 juin 2025 avec son homologue polonais Czesław Siekierski organisé à Paris.
Ils ont partagé leurs préoccupations sur l’accord de libre-échange avec les pays d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), alors que la Commission européenne pourrait avancer sur la proposition de ratification de cet accord le 30 juin. « C’est très grave. Les États n’ont pas été véritablement associés à [cette] négociation. »
Réunir une minorité de blocage
Les deux ministres ont une nouvelle fois témoigné leur opposition à cet accord « tel qu’il a été parafé à Montevideo en décembre dernier ». « Cet accord est mauvais pour les agriculteurs parce qu’il expose quatre filières emblématiques de l’agriculture française et européenne : la viande de bœuf, la viande de poulet, le sucre et l’éthanol », a ajouté Annie Genevard.
La ministre espère toujours réunir une minorité de blocage pour s’opposer à l’accord. Car pour poursuivre son processus de ratification, l’accord négocié par la Commission européenne devra d’abord obtenir le vote du Conseil de l’Union européenne qui réunit les gouvernements des États membres. Il faudrait au minimum quatre pays et 35 % de la population européenne en opposition pour faire capoter l’accord.
Convaincre d’autres pays européens
« Si la Commission avait la tentation de passer rapidement en force, elle trouvera un certain nombre d’autres pays sur son chemin », a prévenu Annie Genevard, tout en admettant que cette minorité de blocage n’est pas encore atteinte. « Nous la tutoyons » a-t-elle indiqué.
Aux côtés de la Pologne, la France compte convaincre la Hongrie, l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas, la Roumanie et l’Italie qui auraient fait part de leurs préoccupations sur l’accord. Une partie « qui n’est pas gagnée » avoue la ministre qui ajoute qu’il « serait regrettable que l’accord soit signé sans avoir livré le combat ». Elle prévient que si la Commission européenne « prenait une décision pour une signature à l’automne ou en fin d’année, je suis presque certaine que c’est le type même de décision qui remettra les agriculteurs dans la rue ».
Le fonds de compensation ne séduit pas
Concernant la proposition de la Commission européenne d’un fonds de compensation pour couvrir les pertes résultant de l’accord pour l’agriculture, celle-ci peine à convaincre. Tout en émettant « des réserves », Czesław Siekierski craint que « les productions européennes soient évincées des marchés européens par le flux de marchandises provenant des pays du Mercosur en quantité excessive ».
Annie Genevard a, de son côté, pointé l’absence dans l’accord de « clauses de sauvegarde robustes qui permettent d’empêcher le déséquilibre des marchés ». Une position partagée avec l’Italie. Elle a indiqué qu’elle signerait une déclaration commune avec son homologue italien vendredi.
La ministre a ensuite annoncé avoir formulé lors du conseil agripêche qui s’est clôturé le 24 juin, une proposition sur les mesures miroirs qui aurait reçu l’avis favorable de 15 États membres. « Il faut qu’un pesticide interdit en Europe ne permette à aucun produit traité avec cette substance de passer les frontières du marché européen ». Une mesure qui reste en l’état une simple proposition.
« La Pac est menacée dans son budget »
Les critiques formulées à l’encontre de la Commission européenne ne s’arrêtent pas à l’accord avec le Mercosur. Annie Genevard a également dénoncé des projets de la Commission européenne à l’égard de la future Pac qui mettrait l’agriculture et la souveraineté alimentaire « en danger ». « Le combat commence pour l’avenir de notre agriculture. La Pac est menacée dans son budget et dans son caractère commun. La fusion des fonds de la Pac dans un fond global et sa renationalisation est véritablement un danger ». Suffisant pour revoir des tracteurs prendre la direction de Bruxelles ?