Par 281 voix contre 58, l’Assemblée nationale s’est prononcée le 13 juin 2023 en faveur de la résolution remettant en cause les accords commerciaux avec le Mercosur. Initiée en mars dernier, cette démarche, non contraignante pour le gouvernement, vise notamment à durcir les exigences vis-à-vis des pays du Mercosur. Car si ces accords commerciaux entre l'Union européenne et le Mercosur ont été signés en 2019, ils n'ont toujours pas été ratifiés depuis, ouvrant la porte à de nouveaux points de négociation.
Le député Pascal Lecamp (Modem), qui avait pris la charge de présenter la résolution, a redit à la tribune de l’Assemblée, tout le mal qu’il pensait des accords en l’état : « L’accord UE-Mercosur dans sa forme négociée en 2019 suit un logiciel complètement obsolète », regrette-t-il.
Trois demandes principales
Les députés à l’origine de la résolution ont ainsi formulé plusieurs demandes qu’ils voudraient ensuite voir portées par le gouvernement français à Bruxelles. En premier lieu, que les pays du Mercosur voulant exporter vers l’Union européenne en respectent les normes, notamment en termes de durabilité et de traçabilité. Ensuite, que le non-respect des accords de Paris devienne une clause suspensive. Le groupe souhaite également que des clauses miroirs soient incluses aux accords commerciaux, y compris pour les mesures qui seront issues du pacte vert européen. François Ruffin, député de la France Insoumise regrette l’ambiguïté d’Olivier Becht, ministre du Commerce extérieur “ Il y a un double discours du ministre sur le découpage de l’accord donc il faut maintenir la pression. Aujourd’hui, il y a des manœuvres pour contourner le vote à l’Assemblée nationale » dénonce-t-il.
Plus politique, les députés demandent enfin que l’accord avec le Mercosur ne soit pas démembré au cours des négociations. Ce qui est redouté sur ce point, c’est que le volet commercial soit séparé du reste du texte, ce qui n’exigerait plus l’unanimité des pays membres pour être ratifié.
Des voix contre le texte
La large majorité en faveur de la résolution n’a toutefois pas occulté les quelques dizaines de députés qui s’y sont opposés. C’est notamment le cas d’Éléonore Caroit de la majorité. Députée des Français de l’étranger pour la circonscription d’Amérique du Sud, elle a tenté de défendre les accords tels qu’ils ont été négociés. « Deux décennies de négociations complexes ont été menées. Nous sommes aujourd’hui loin d’un accord “bœuf contre voitures” des années 2000. C’est un enjeu stratégique. » Et de prévenir « si la France et l’Union européenne se détournent de l’Amérique du Sud, ce sont la Chine et la Russie qui seront au rendez-vous », redoute-t-elle.
L’autre opposition à cette résolution est venue des bancs de La France Insoumise (LFI) qui a largement voté contre. Aurélie Trouvé, députée de la Seine-Saint-Denis, s’en est justifiée au nom de son groupe : « Cette résolution dit qu’il faut conditionner l’accord du Mercosur à l’accord de Paris et des normes sanitaires et environnementales de l’Europe, ce qui revient à accepter un accord de libre-échange. Et pour nous, un accord de libre-échange vertueux, ça n’existe pas », tranche-t-elle. « On oublie aussi la question des droits de douane qui seront nuls pour d’énormes quantités de viande de volaille et de bœuf. Les éleveurs français ne feront jamais le poids face à la libre concurrence brésilienne ou argentine », prévient-elle. Seul François Ruffin, député de la Somme et à l’initiative de la proposition de résolution avec les autres députés, a voté favorablement du côté de LFI.
Les syndicats restent vigilants
La Fédération nationale bovine a réagi par la voie d’un communiqué. Si elle salue le vote, elle redit son inquiétude : « Ni le contenu de l’accord, ni “l’instrument additionnel” non contraignant proposé par la Commission européenne ne répondent aux “lignes rouges” françaises, fixées par Emmanuel Macron », note-t-elle, avant d’aller plus loin : « La France doit donc dire non, très clairement et sans ambiguïté, à l’accord Mercosur », exige-t-elle.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui était au Brésil puis en Argentine cette semaine, a redit le 13 juin 2023 à Buenos Aires, ses espoirs de voir les accords ratifiés rapidement. « Nous tenons une occasion historique de voir enfin aboutir l’accord Union européenne-Mercosur. Je suis résolue à conclure cet accord dès que possible. Faisons-le avant la fin de l’année », espère-t-elle.