En 2019, quand Jérôme Bouquin a rejoint l’EARL du Verger et ses deux membres (Maxime Madoire et Philippe Peillier) à Villemer-Valravillon dans l’Yonne, une réflexion a été lancée pour diversifier l’exploitation céréalière (464 ha de SAU avec 14 cultures). Un atelier de 220 brebis a été créé.
« Il permet de mieux valoriser la luzerne-trèfle ainsi que les temps morts hivernaux », du 15 novembre au 1er mars, pointent Jérôme Bouquin et Maxime Madoire. L’atelier ovin a en effet une bonne synergie avec les cultures en conversion bio (lire l’encadré) : il permet de valoriser 20 % des luzernes-trèfles. Le reste est broyé ou exporté (vente de foin).
Reliquats azotés
Les brebis passent la majorité du temps dehors, ce qui permet d’optimiser la capacité limitée de la bergerie (100 places). « C’est à l’extérieur qu’elles sont le plus rentables », jugent les agriculteurs. Ainsi, les parcelles de luzerne et de trèfle sont pâturées au fil électrique. La culture, retournée tous les trois ans, tourne dans la rotation. « Sur les terres lourdes de l’exploitation, les moutons abîment un peu autour des râteliers, mais ça passe », notent-ils.
Le blé qui suit dispose d’un reliquat azoté très appréciable : 100 unités d’azote par hectare (uN/ha) en 2024, 75 uN/ha l’an passé, et 170 uN/ha en 2022. De quoi produire potentiellement 50 q/ha en année pas trop humide. L’exploitation profite également du fumier des moutons (200 t/an), complété par des achats extérieurs (700 t/an environ).
Raisonnement économique
« Avant de penser aux moutons, précisent Maxime Madoire et Jérôme Bouquin, nous avons visité des poulaillers label rouge, production techniquement très encadrée. Mais avec deux poulaillers au minimum, l’investissement était élevé. À la suite d’une journée Innov’action organisée par la chambre d’agriculture, nous avons opté pour les ovins. »

Le premier projet, 400 brebis en système intensif avec trois agnelages en deux ans, a été remis en cause : construite en plein milieu d’un champ, la bergerie nécessitait d’amener les réseaux d’eau et d’électricité. L’investissement était lourd et n’était subventionné qu’à hauteur de 30 000 €.
Les agriculteurs se sont rabattus sur un atelier plus modeste, dimensionné au plus juste par rapport aux aides escomptées. Le bâtiment en bois, de grande hauteur aménagé en prolongement de la zone de triage et de stockage des céréales, est polyvalent et peut être facilement utilisé à d’autres fins, si un jour l’atelier ovin n’est plus rentable.
Économique, le raisonnement l’a été également dans le choix de la conduite du troupeau. À l’exception d’un peu de granulés pour l’engraissement d’une partie des agneaux, tout l’aliment vient de la ferme : luzerne (pâture ou foin) et orgette (orge de brasserie dont le calibre est insuffisant).
Pour obtenir des carcasses bien conformées, les agriculteurs ont opté pour des brebis lourdes, de race Île-de-France (20 % de la troupe) et croisées (Suffolk, Mérinos, Romanov). Les agnelages se font trois fois par an (mi-novembre, mi-janvier et mi-avril) pour étaler les ventes et profiter des opportunités du marché. L’exploitation a la chance d’avoir un abattoir à proximité (5 km) ainsi qu’un cabinet vétérinaire.

Ne pas se lancer seul
Mis en route en juillet 2019 avec l’arrivée des premières agnelles, l’atelier ovin se révèle un bon choix d’autant plus que les prix des agneaux ont augmenté de +50 % par rapport aux prévisions (10,50 €/kg en label rouge actuellement contre 7 €/kg en 2019). « Les moutons paient largement le nouvel associé », se félicitent les membres de l’EARL du verger.
« Pour l’instant, nous n’avons pas de problème de prédation du loup, mais nous avons subi deux attaques d’un chien du voisinage ». L’eau est amenée à la tonne. Le problème l’été est le manque d’ombre.
Au vu de leur expérience, les agriculteurs estiment qu’il est préférable de ne pas se lancer tout seul pour partager les astreintes. Avoir l’un des associés avec une âme et une compétence d’éleveur est indispensable. Jérôme Bouquin, nouvel arrivant à l’EARL, est un ancien associé d’un Gaec laitier de la Côte-d'Or.