«Réduire l’astreinte de l’atelier veau par deux est un des principaux avantages de l’élevage sous nourrice. Il n’y a plus à pailler, curer, chauffer le lait ou encore nettoyer les seaux. Les génisses sont naturellement élevées par les nourrices, alimentées à l’herbe et au lait à volonté jusqu’à leurs 6 mois », se réjouit Yves Simon, gérant de la ferme du P’tit Gallo à Montreuil-le-Gast (Ille-et-Vilaine). L’éleveur a franchi le pas en 2017 après avoir visité des fermes converties dans le Finistère.

Éviter le rejet

Les mâles sont vendus à l’âge de 15 jours tandis que les femelles sont séparées de la mère biologique dans les 24 heures suivant la naissance, puis élevées en niches collectives le temps de constituer des lots de deux à trois veaux les plus homogènes possible (trois semaines d’écart maximum). Une fois le lot mis en case avec la nourrice, le processus d’adoption prend deux à trois semaines. Celle-ci est bloquée matin et soir tant qu’il y a réticence. D’après Yves, l’observation est la clé de la réussite. « J’appréhende l’élevage de mes veaux différemment. L’étude du comportement des animaux prend le pas sur le reste. »

Le rejet est le principal risque associé à la pratique, mais l’éleveur sait comment le prévenir. « Il ne faut pas avoir peur d’insister et d’y passer du temps, affirme-t-il. Provoquer le manque en séparant les veaux de la nourrice pendant la journée est un bon levier d’action. » Une fois l’adoption terminée, les différents groupes nourrice-génisses (où les jeunes ont moins de deux mois d’écart) sont regroupés au champ. « Je ne vois pas de différence comportementale avec les veaux élevés en nurserie, ils sont aussi calmes. Ce ne sont pas des laitières ingérables en devenir ! Il ne faut pas partir du principe qu’une fois les animaux sortis, le travail est terminé. Il est indispensable de prendre le temps d’entretenir un contact régulier avec elles », conseille Yves.

Comme se plaît à dire l’éleveur, « tout est possible en vaches nourrices ». Le choix de cette dernière se fait selon les besoins. Dans 80 % des cas, elles sont destinées à la réforme, mais la pratique permet aussi à l’éleveur de récupérer certaines vaches.

En fonction des besoins

« Il est intéressant de passer une bête accidentée, équasillée par exemple, en nourrice au pâturage pour favoriser son rétablissement, et ainsi éviter de perdre cinq mois en tarissement. De même, mettre des veaux sous une vache à mammite sur ses deux ou trois derniers mois de production, aide à vidanger la mamelle, ainsi qu’à assurer une bonne reprise sur la lactation suivante. Un changement de nourrice ne pose généralement pas problème, et se fait naturellement au champ. »

Yves n’envisage pas de retour en arrière : « En plus de me soutenir dans la gestion de mon troupeau laitier, les génisses ont de meilleures croissances et statut sanitaire. J’ai gagné trois à quatre mois d’âge au premier vêlage. Cette conduite m’a aussi permis de récupérer des prairies humides… et de valoriser les sous-produits de mon atelier de transformation, grâce aux deux cochons qui ont investi mon ancienne nurserie ! »

Alexandra Courty