Conversion simultanée ou non-simultanée des terres et du troupeau ? Quel que soit le choix, il convient d’être prêt à changer sa façon de travailler. Car les contraintes fixées par le cahier des charges de l’agriculture biologique mettent les capacités d’adaptation des éleveurs à l’épreuve. « En bio, on expérimente beaucoup, et on essuie parfois des échecs, observe Isabelle Pailler, conseillère lait bio à la chambre d’agriculture de Bretagne. Il faut toujours avoir un plan B, notamment pour sécuriser les ressources fourragères. »

Sur le plan financier, « l’exploitation doit au départ présenter une situation saine, prévient Thierry Mouchard, conseiller d’élevage à l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab). Pendant la conversion, elle devra respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique, sans pour autant en bénéficier du prix à la production. »

Simultanée

Principe. Les terres et le troupeau sont conduits dans le respect du cahier des charges bio pendant deux ans à compter de la date de conversion. Au terme de cette période, les productions animales et végétales sont commercialisées en agriculture biologique.

Pour qui ? « La conversion simultanée s’adresse aux élevages ayant déjà une bonne autonomie alimentaire », estime Thierry Mouchard. Elle présente également un intérêt pour les troupeaux en races laitières mixtes, dont le produit viande n’est pas à négliger. « Les réformes sont valorisées en bio au terme des deux ans de conversion, et n’ont pas à respecter la règle des trois quarts de vie en bio, atteste le spécialiste. Par rapport au conventionnel, le prix du kilo de carcasse est supérieur de 0,50 € à 1 €, selon les valorisations. »

Point de vigilance. La trésorerie peut rapidement être sous tension. « Malgré les aides à la conversion des laiteries s’élevant à 30 €/1 000 l en moyenne, il faut rapidement faire face à une diminution de la production laitière, des taux et des rendements fourragers en retrait. Le tout, en conservant un prix du lait conventionnel sur une durée de deux ans », avertit Thierry Mouchard.

Non-simultanée

Principe. Les terres sont conduites dans le respect du cahier des charges de l’agriculture biologique pendant deux ans à compter de la date de conversion. Après un an de conversion des terres, il est possible d’engager la conversion du troupeau sur six mois. Le lait peut ainsi être commercialisé au plus tôt en bio dix-huit mois après le début de la conversion des terres.

Pour qui ? « La conversion non-simultanée est pertinente pour les élevages qui nécessitent une période d’adaptation (alimentation, fourrage, santé), rapporte Thierry Mouchard. Cela laisse également du temps à l’éleveur pour affiner sa stratégie. »

Sur le plan financier, ce mode de conversion limite l’impact négatif sur les trésoreries les plus fragiles. « Dans un premier temps, conduire le troupeau en conventionnel maintient le niveau de production, observe Isabelle Pailler. Lorsque la conversion du troupeau débute, un moyen efficace de préserver la trésorerie est de réduire l’utilisation de concentrés dans la ration, à condition d’avoir un système fourrager adapté. Toutes proportions gardées, les charges diminueront plus vite que les produits. »

Points de vigilance . Si, en théorie, la conversion du troupeau peut démarrer un an après le début de celle des terres, la réalité est souvent autre. « Les fourrages annuels (maïs ensilage, méteils) récoltés et stockés en première année de conversion des terres (C1) doivent être entièrement consommés, indique Thierry Mouchard. De l’état de ces stocks dépendra le début de la conversion du troupeau. En revanche, les fourrages pérennes récoltés en C1 (foin, ensilage d’herbe) peuvent être utilisés dans la limite de 20 % de la ration journalière. » La date du début de conversion des terres est donc stratégique. Elle devra tenir compte des dates habituelles de récolte des fourrages et du délai souhaité pour débuter la conversion du troupeau.