Saint-Marc-sur-Mer a été l’heureuse élue d’un casting de trente et une stations parce que l’endroit correspond à l’atmosphère des vacances que veut filmer Tati : " un petit coin tranquille où Monsieur Tout-le-Monde passe ses vacances ».
Avant l’engouement pour les bains de mer, Saint-Marc est un quartier rural de Saint-Nazaire où les paysans font encore du vin avec le cépage noah (interdit par la suite), récoltent le goémon pour amender leurs terres, repèrent les coquillages sur les rochers et pêchent depuis la côte.
Le train modifie la sociologie, dès 1867, et convertit la ville en « Côte Atlantique la plus proche de Paris". La grande bourgeoisie industrielle nantaise et angevine jette son dévolu sur ce littoral planté de vignes. Dès 1870 des villas fleurissent sur la corniche. On construit une jetée. Le futur hôtel de la plage (et du film) voit le jour au début du XXe siècle comme les cabines de bain et le bateau de sauvetage…

Mais, alors que la Baule et Pornichet se développent à la vitesse grand V, Saint-Marc cultive son caractère familial. La petite station vit au rythme de ses artisans, ses ouvriers, ses paysans et ses villas animées l’été par les plus aisés. Les plus démunis occupent encore les nombreux blockhaus.
Jacques Tati installe alors son studio à ciel ouvert sous le regard médusé des enfants. « La plage c’était notre domaine ", se souvient Pierre Joubert, ex-figurant de onze ans. Ce qui lui fait dire avec le sourire : " j'ai eu la chance d’avoir deux secondes d’éternité. Il fallait faire attention à ne pas se prendre les pieds dans leurs fils. Ça nous paraissait farfelu, tout ça... avec cette drôle de bagnole... les gens ici n’avaient pas de voitures. » A défaut de gros budget, Tati orchestre ses multiples talents devant et derrière la caméra. Il ne paie pas les figurants, mais les enfants ont droit à une sucette Pierrot gourmand, et parfois à un tour en jeep sur le sable.
Aujourd’hui, Saint-Marc n’est plus « un joli trou pas cher » mais pour le reste de la chanson : « vous trouvez la Bretagne, vous pouvez rêver, flâner, contempler la mer et la campagne », rien n’a changé. Tati a immortalisé avec la silhouette de l’Alouette, le charme de son écrin dans son écran.