Une étude réalisée dans le cadre du Cap filière semences et plantes en région Centre-Val de Loire (1) anticipe les impacts du changement climatique sur plusieurs stades de la lentille. Durant les semis, en mars, les projections climatiques prévoient peu de changements de pluviométrie, en moyenne, mais une hausse de la température. « De 7,2 °C en moyenne sur la période de référence 1976-2005, elle passe à 8,1° sur la période 2021-2050, et 9,6 °C sur 2071-2100, indique Marion Bouviala, ingénieure régionale à la Fnams (2). On risque de voir des levées d'adventices plus rapides, car les sols seront plus chauds. Cela pose la question du désherbage, alors que les solutions chimiques disponibles se réduisent."
À la floraison, en juin, la moyenne des températures maximales de référence s'établit à 20,5 °C, avec des écarts allant de 18°C à 25°C. "Ce qui était l'extrême en 1976-2005 devient la moyenne à l'horizon 2100, et les projections prévoient des pics à 31 °C", indique Marion Bouviala. Le nombre de jours échaudant, c'est-à-dire avec des températures supérieures à 25 °C, augmente considérablement : +10,1 jours, en moyenne, d'ici 2100. "Certaines années compteront 100% de jours échaudant en juin", ajoute-t-elle.
Combiner les leviers
Les pluies à la floraison seront insuffisantes, et le déficit hydrique plus important. Ajouté à des températures extrêmes, cela risque d'entraîner des avortements et une réduction du nombre de gousses. Avancer la date des semis aura peu d'effet sur la date de floraison. "Un décalage d'un mois du semis avance la floraison d'une semaine seulement, ce qui ne suffira pas face à l'augmentation des températures. Il faudra combiner avec d'autres leviers", explique Marion Bouviala. Abriter les lentilles est une piste. Agroforesterie, à l'ombre de maïs ou tournesol, ou avec d'autres cultures associées... toutes les possibilités sont ouvertes.
En juillet, il fera de même plus chaud : les températures augmenteraient de 4,6 °C à l'horizon 2100 par rapport à la référence, tandis que le cumul des pluies diminuerait sur ce laps de temps de 23 mm, avec une pluviométrie mensuelle de 31,7 mm en moyenne. Ceci conduirait à une avance de deux semaines de la récolte, dans des conditions qui favorisent l'égrenage et la casse des grains. Selon la modélisation, un semis au 10 mars entraîne une récolte au 1er juillet en 2100. "Et si la lentille est semée le 20 février, la date de récolte se situe vers le 28 juin. Cela confirme que la date de semis n'est pas un levier suffisant", affirme Marion Bouviala.
Par ailleurs, le cumul des pluies annuelles devrait peu évoluer. "Il faudra s'attendre à des mois secs et d'autres très pluvieux, notamment en automne. Or, des semis dans la boue signifient moins de développement racinaire, et donc des lentilles qui supportent moins les coups de chaud", souligne-t-elle.
(1) Les modélisations ont été faites à Châteauroux, selon le scénario RCP 8,5, "plutôt pessimiste" selon Marion Bouviala.
(2) Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences