Irrigants de France, Arvalis et l’Inrae ont proposé une conférence commune au Salon de l’agriculture le 29 février 2024 sur la thématique : « Comment les agriculteurs optimisent leur gestion de l’eau pour faire face au changement climatique ? »
Des progrès possibles
Sami Bouarfa, directeur adjoint au département Aqua à l’Inrae de Montpellier, a rappelé que l’institut s’intéresse beaucoup à cette question. « Bien entendu, les agriculteurs ont déjà fait beaucoup d’efforts pour être plus performants. Mais il y a encore des progrès possibles », a-t-il estimé.
Selon lui, l’essentiel du parc d’irrigation en France repose sur l’aspersion, donc essentiellement des enrouleurs. Le parc de matériel a aussi un « certain âge », qu’il est important de pouvoir renouveler.
« Ainsi, on pourrait gagner entre 10 et 20 % d’efficience en irrigation, à matériel égal. Et en changeant de technique — en évoluant de l’aspersion vers le localisé, jusqu’au goutte-à-goutte enterré, par exemple, quand c’est possible — on peut faire de 30 à 35 % d’économie », a précisé le chercheur.
Irrigation et agroécologie pas antinomique
Sami Bouarfa a aussi rappelé que l’irrigation et l’agroécologie peuvent être compatibles, ce qui « ouvre beaucoup de perspectives de recherche ». « Alors qu’on parle beaucoup d’agriculture de conservation des sols et de couverture permanente, nous nous interrogeons par exemple : faut-il réfléchir à l’irrigation des plantes de service ? Le lien n’est pas direct, mais on considère que cet arrosage va renforcer ce système et maximiser les chances de succès », a-t-il précisé.

OAD Irré-Lis
De son côté, Stéphane Jezequel, d’Arvalis, a indiqué qu’il est important d’aider les agriculteurs à mieux piloter l’irrigation, notamment dans un contexte de changement climatique. Il a expliqué qu’auparavant pour le pilotage de l’irrigation, on calculait les besoins en eau de la culture pour qu’elle pousse le mieux possible. Désormais, il n’y a pas forcément d’eau disponible et il faut piloter l’irrigation avec la quantité d’eau disponible.
« On est capable de fournir l’OAD (outil d’aide à la décision) Irré-LIS pour les cultures céréalières, la pomme de terre, le soja… Afin de piloter l’irrigation en volume limité. Cela permet de couvrir toutes les régions françaises selon les différentes conditions d’accès à l’eau et de maximiser l’efficience de l’eau d’irrigation », juge-t-il.
Meilleure efficience
Ce pilotage permet de gagner en efficience : par exemple, de passer de 1,5 quintal produit pour 10 mm d’eau d’irrigation (q/10 mm), à 2,5 q/10 mm. Et de compléter : « Tous nos essais montrent qu’il est facilement possible de gagner 30 à 40 % d’efficience d’eau d’irrigation avec ces nouveaux outils de pilotage qui gèrent la ressource limitée. »
« Nous avons également fait tout un travail avec les agriculteurs, les filières régionales qui commercialisent les productions, les pouvoirs publics, les agences de l’eau… Afin de réfléchir à la meilleure optimisation de l’assolement en fonction d’aléas climatiques », détaille Stéphane Jezequel.
Nommé Asalee, ce projet mené sur dix régions, va permettre aux agriculteurs de regagner de la compétitivité, en réfléchissant à la meilleure optimisation de l’assolement en fonction des aléas climatiques et économiques à venir. « Avec un travail comme celui-là, les agriculteurs peuvent regagner un peu de compétitivité ! », juge Stéphane Jezequel.
Ne pas conditionner l’accès à l’eau
« L’eau est absolument indispensable pour nos productions, a appuyé Eric Frétillère, le président d’Irrigants de France. Pour répondre à ces grands enjeux, nous avons besoin des travaux d’Arvalis et de l’Inrae pour améliorer notre efficience, c’est-à-dire apporter le bon volume d’eau, au bon moment et au bon endroit afin de préserver nos productions et nos revenus. Il faut aussi aider à la rénovation du matériel. »
« La transition agroécologique ne pourra pas se faire sans eau. Donnez-nous accès à l’eau et nous accélérerons la transition agroécologique, mais pas l’inverse. Si on conditionne cet accès, cela ne fonctionnera pas et le monde agricole ira droit dans le mur », a-t-il conclu.