Lancé en mars 2023, le plan eau affiche l’ambition de réduire d’au moins 10 % les prélèvements d’eau d’ici à 2030, tous secteurs confondus. La généralisation de la tarification progressive de l’eau est l’une des mesures phares de ce plan, pour améliorer la gestion de l’eau en France, l’idée étant qu’au-delà d’un certain volume de base, le tarif de l’eau augmente pour dissuader des usages excessifs.
Alors que le Conseil économique et social (Cese) a estimé le 29 novembre 2023 que les « conditions d’une généralisation de la tarification progressive de l’eau », n’étaient « pas réunies », appelant à « étudier d’autres dispositifs », la Coordination rurale s’est à son tour exprimée sur le sujet. Dans un communiqué le 30 novembre 2023, elle affirme qu’elle « ne restera pas inactive face à la modification des redevances de l’eau ».
Pour le syndicat, « les règles envisagées ne sont que le premier pas vers une augmentation récurrente des prix de l’eau. Non pas pour protéger la ressource, mais pour financer les choix des collectivités territoriales. »
Des estimations financières loin du compte
Le syndicat dénonce un plan eau dont la responsabilité financière sera rejetée sur « les agriculteurs, l’industrie et EDF ».
Les estimations de l’État prévoient que 475 millions d’euros seront dégagés par la réforme des redevances, « des fonds qui bénéficieront aux agences de l’eau ». Mais pour la Coordination rurale, les redevances devraient concrètement augmenter de 100 millions d’euros pour EDF, 20 millions d’euros pour l’industrie, et 10 millions d’euros pour l’agriculture, soit un compte « loin des 475 millions annoncés ». Le syndicat s’insurge contre les 10 millions de l’agriculture, qui « ne sont qu’une estimation plancher ».
37 millions supplémentaires avec la redevance pour pollution diffuse
Au total, la Coordination rurale estime à 47 millions d’euros le montant qui sera demandé aux agriculteurs, au risque de faire « couler les plus fragiles ». En effet, elle précise que l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse, soit 37 millions d’euros, viendra se superposer aux 10 millions de la redevance pour l’eau.
Le syndicat signale par ailleurs qu’il s’agit d’un minimum, « puisque les agences doivent encore trouver 308 millions d’euros pour atteindre les 475 millions envisagés. Un écart qui sera comblé par l’agriculture ou selon les mots du ministère de l’Écologie, “en fonction des équilibres locaux” ».
Ainsi, pour le syndicat, « la solution envisagée par l’État se borne à surtaxer les secteurs économiques en général et le secteur agricole en particulier ».
« L’arrosage et l’abreuvage ne sont pas des options au sein des exploitations »
Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, s’est exprimé en ces termes : « La sanction par le prix entraînera un cumul d’effets négatifs pour l’agriculture. Rappelons au préalable que l’arrosage et l’abreuvage ne sont pas des options au sein des exploitations. Tout d’abord et de manière totalement mécanique, cela représentera un coût supplémentaire. Un surcoût qui devrait être répercuté sur les prix à la production comme le prévoit Egalim. À l’heure actuelle, il n’existe aucune garantie que la répercussion sera possible, voire envisageable. »
Elle ajoute qu’additionnellement aux inégalités qui seront créées entre les régions, cette réforme incitera les exploitants « à abandonner certaines cultures », entraînant une uniformisation des variétés cultivées, « basée sur le coût de la nouvelle redevance ».
Ces augmentations devraient intervenir au 1er janvier 2025. « La Coordination rurale entend se battre pour rappeler qu’il n’y a pas d’agriculture et d’alimentation sans eau. À défaut de répercussions sur les prix, c’est la quantité de denrées alimentaires qui sera impactée », conclut le syndicat.