Le 9 mai, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés qui réglementaient les prélèvements d’eau en Charente et dans le Marais poitevin. Ces arrêtés faisaient l’objet de recours de plusieurs associations environnementales. Le tribunal, suivant l’avis du rapporteur public, reproche aux études d’impact un manque de précision, considère que les volumes de prélèvement autorisés ne permettent pas d’assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource et souligne que ces volumes sont supérieurs à ceux prélevés. Cependant, pour éviter « une atteinte manifestement excessive » aux intérêts des irrigants, il accorde une autorisation provisoire de prélèvement jusqu’au 1er avril 2021.
Côté irrigants, la décision a du mal à passer. Jean-Jacques Blanchon, président sortant de l’organisme unique de gestion collective en Charente, Cogest’eau, rappelle le cahier des charges établi par la Dreal (1), les études réalisées, l’enquête d’utilité publique, l’approbation par vingt-cinq voix pour et trois abstentions par le Coderst (2), et l’autorisation unique pluriannuelle (AUP), validée par arrêté pour quinze ans. « Nous avons fait un travail sérieux, souligne-t-il. Cela fait vingt ans que ça dure. On discute, on se met d’accord, trois associations écologistes approuvent, et puis deux autres attaquent au tribunal. Là, ça suffit. On va arrêter de jouer avec tout ce qui est contrat de territoire et gestion de l’eau. »
Dix ans d’efforts anéantis
Même amertume chez Thierry Boudaud, président des irrigants du Marais poitevin : « Cette annulation de l’AUP, c’est un mauvais signal donné à la profession. C’est attaquer le principe de la gestion collective. Nous sommes l’un des territoires les plus en avance sur cette question. Nous ne baissons pas les bras, il n’est pas question de revenir en arrière. »
Les chambres d’agriculture et les associations d’irrigants de Poitou-Charentes vont dans le même sens. Dans un communiqué, elles rappellent que la décision du tribunal « fragilise toutes les autorisations uniques pluriannuelles », pas seulement les deux annulées. Elle « va anéantir dix ans de travail et d’efforts réalisés par la profession agricole sur la gestion de l’eau ». Il reste donc deux ans pour trouver une solution. Elle doit être juridique. Avec une jurisprudence ou, mieux, une loi qui cadrerait les volumes prélevables. « Nous demandons que l’État prenne ses responsabilités, insiste Jean-Jacques Blanchon, qu’il fasse appel de la décision du tribunal administratif. Et qu’il mette en place un système qui ne soit pas attaquable. »
Myriam Guillemaud
(1) Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. (2) Conseil départemental de l’environnement des risques sanitaires et technologiques.