Le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz s’est fait élire avec la promesse d’une hausse du salaire minimum à 12 euros brut de l’heure, soit un bond de plus de 20 %. La mesure, vivement critiquée par le principal syndicat agricole DBV, doit être votée et introduite cette année. Les exploitants abordent ce tournant avec inquiétude ou sérénité, selon les salaires déjà pratiqués dans leur branche.
Les plus inquiets sont les maraîchers et les viticulteurs, dépendants de la main-d’œuvre saisonnière pour les récoltes. Le Smic horaire validé par les partenaires sociaux, que va court-circuiter l’initiative du gouvernement, vient de passer de 9,60 à 9,82 € au 1er janvier. D’après une enquête réalisée fin 2021 par le réseau professionnel des producteurs d’asperges et de fraises (NSB), en réaction, environ deux exploitants sur cinq vont se tourner vers les circuits courts et vont retarder des investissements. Un tiers considère une réduction des surfaces cultivées, ou encore 20 % vont intensifier la mécanisation.
Difficultés de recrutement
À ce tarif horaire, 76 % des producteurs d’asperges et de fraises estiment qu’ils auront besoin de salariés très productifs. Ce qui pourrait compliquer davantage les recrutements. Ils craignent aussi des départs anticipés, le futur Smic permettant d’atteindre plus rapidement l’objectif financier de ces travailleurs originaires, pour la plupart, d’Europe de l’Est. Dans tous les cas, les employeurs se verront contraints de rogner sur leurs marges pour faire face à la hausse des coûts de production.
« Nous estimons que la hausse du Smic à 12 € n’aura que peu d’effet sur le secteur de la viande. D’après plusieurs transformateurs, les salaires sont déjà supérieurs », indique Klaus Kessing, analyste de marché au groupe d’intérêts d’éleveurs porcins ISN. L’initiative de la coalition d’Olaf Scholz va précipiter une évolution déjà prévue. Un décret paru fin 2021 fixe dans cette branche un Smic horaire à 11 € au 1er janvier 2022, puis 11,50 € au 1er décembre 2022 et 12,30 € au 1er décembre 2023.
Main-d’œuvre familiale
« La hausse du Smic est plus que justifiée. Mais il faut faire en sorte que l’agriculture soit en position, sur le marché, de répercuter ces coûts sur les transformateurs », juge Hans Foldenauer, porte-parole du syndicat d’éleveurs laitiers BDM. « Dans la plupart des exploitations laitières, la main-d’œuvre est familiale. Elle ne reçoit rien. On remarquera peu la hausse du Smic, soulève-t-il. Mais la main-d’œuvre familiale devrait aussi être payée dans les règles. Lors d’audit comptable dans certaines exploitations, on s’aperçoit que leur rémunération est valorisée 3 à 5 euros de l’heure. On voit la nécessité de parler non seulement de salaire minimum mais aussi du marché agricole et de ses méthodes de dumping. »
En aval, dans les laiteries, le nouveau Smic horaire n’aura pas d’impact. Le plancher des grilles salariales est déjà bien supérieur, même dans l’est du pays où les rémunérations sont plus faibles qu’ailleurs.
Luc André