« C’est la première fois que la France enregistre un tel cumul sur 26 jours consécutifs toutes saisons confondues », indique Météo-France. Entre le 18 octobre et le 12 novembre 2023, il a plu en moyenne 215,4 mm en France.
Le Pas-de-Calais est particulièrement pénalisé pas ces excès de précipitations. Il y a plu l’équivalent de six mois en un mois. La situation est critique pour de nombreux éleveurs. Environ 100 000 ha seraient touchés par les crues et les inondations, selon la coopérative Unéal.

Il est encore difficile d’évaluer l’ampleur des dégâts, mais la liste est longue : stockage de céréales sous l’eau, légumes de plein champ noyés, risque de pourriture des pommes de terre non arrachées… Les récoltes d’automne sont à l’arrêt, notamment celles du maïs grain. Avec la tempête Ciaran, les maïs avaient déjà subi de la casse. Inondées, certaines parcelles ne sont désormais plus récoltables. Les dégâts des épisodes pluvieux qui se succèdent s’ajoutent en effet à ceux des tempêtes Ciaran et Domingos, qui ont secoué la France les 1er et 5 novembre. Elles ont durement impacté la Bretagne et la Normandie avec des dégâts importants, comme le confirme par exemple le témoignage d'Alexandre Le Bechec dans les Côtes-d’Armor (lire l'encadré).
Le mardi 14 novembre, Emmanuel Macron a annoncé la création d’un « fonds exceptionnel de soutien » pour les agriculteurs, y compris ceux touchés par les tempêtes. La MSA a mis en place un dispositif d’échéancier de paiement des cotisations. Dans le Pas-de-Calais, la situation ravive par ailleurs des tensions : une manifestation a été organisée par la FDSEA pour demander un meilleur entretien des fossés.
Retards de semis
Outre ces situations de détresse, les précipitations ont gorgé les sols d’eau dans de nombreuses régions. Les semis tournent au ralenti. Au 6 novembre, selon le dernier bilan de CéréObs, seuls 67 % des blés tendres avaient été semés, contre 83 % à la même date en moyenne quinquennale. Même constat en blé dur : 15 % de semés, contre 34 % en moyenne. En Vendée, un opérateur appuie : « C’est du jamais vu : il est tombé un tiers des pluies annuelles ces trois dernières semaines. Nous sommes très ennuyés. Chez nous, les semis de céréales d’hiver ne se font en temps normal pas avant le 20 octobre, ce qui fait qu’aujourd’hui, seule 20 % de la sole prévue en céréale d’hiver a été semée. Celles qui sont implantées sont dans de mauvaises conditions, sous l’eau. Pour le reste, nous allons avoir du mal à rentrer dans les parcelles rapidement : même s’il pleut moins, les sols vont mettre beaucoup de temps à ressuyer. Nous allons vers une réduction de la sole de céréales d’hiver. » Dans le Lot-et-Garonne, un expert estime aussi que la sole de blé sera impactée.
Adaptations de l’itinéraire techniques, changement de variété,… Pour les parcelles qui pourront être semées, Arvalis précise que des adaptations seront nécessaires. Encore faut-il pouvoir trouver les semences nécessaires. Sur les terres argileuses dans le Sud, des cultures d’été pourraient finalement être préférées. « Il faudra peut-être des dérogations pour faire tournesol sur tournesol », s’interroge-t-on quant aux risques de mildiou et de sclérotinia. Quoi qu’il en soit, la situation aura sans aucun doute une incidence sur la récolte de 2024. Entre asphyxie racinaire, salissement des parcelles, risques ravageurs et phytotoxicité, le rendement des parcelles de blé qui auront pu être semées pourrait être altéré. Le 4 novembre, Visio-crop estimait déjà que les retards de semis auraient un impact de –2 % à –4 % sur le potentiel des blés français. Les escourgeons et colzas sont également à surveiller.