C’est inscrit dans la loi depuis mars 2023, les Régions ont désormais autorité de gestion sur les aides à l’installation. Le plan stratégique national (PSN) définit pour 2023-2027 par le ministère de l’Agriculture dans le cadre de la nouvelle Pac n’a fixé que les grandes lignes du nouveau dispositif d’aide. Chaque Région a ensuite précisé ses propres critères d’éligibilité, ses montants de subvention et leurs éventuelles bonifications, ainsi que les démarches d’instruction et de suivi.
Expérience reconnue
À date, seules cinq Régions métropolitaines auraient effectué le basculement vers le nouveau dispositif. En attendant, les installations respectent les conditions de la précédente programmation. « L’année 2023 va être particulièrement désagréable et bancale pour les installations, redoute Laurence Marandola, secrétaire nationale de la Confédération paysanne. Les jeunes agriculteurs sont la variable d’ajustement. »
Car les différences entre l’ancienne et la nouvelle aide à l’installation sont nombreuses. À commencer par ses critères d’accès. S’il était obligatoire d’obtenir un niveau de formation agricole de niveau IV pour accéder à la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), le PSN offre désormais cette possibilité aux porteurs de projet dotés d’un certain nombre d’années d’expérience, défini régionalement. Le PSN indique aussi que les bénéficiaires des aides à l’installation doivent présenter un plan d’entreprise prouvant la viabilité et la durabilité de leur projet d’installation. Mais les critères permettant de caractériser ceux-ci restent définis régionalement.
Si la DJA reste bien limitée aux moins de 40 ans, le PSN a donné la possibilité aux Régions de créer une aide aux nouveaux installés, sans limite d’âge. Une aide qui prend aussi bien la forme d’un prêt d’honneur, que d’une aide à la trésorerie ou à l’investissement. « C’est une prise de conscience que l’âge pouvait être un frein à l’installation alors que de nombreuses installations se font après 40 ans », salue Emilie Vandierendonck, responsable à la section des jeunes de la Coordination rurale. Pour l’heure, seule la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne se serait pas saisie du dispositif.
Du simple au double
Outre les critères d’accès, les Régions ont aussi eu la liberté de proposer leurs propres montants d’aides et modulations. « Nous avions des craintes avant la régionalisation qui se vérifient aujourd’hui, déplore Alexis Roptin, élu chez Jeunes Agriculteurs (JA). Il y a dix-huit DJA différentes, avec des montants qui vont du simple au double et des volontés politiques d’installation différentes. C’est un véritable patchwork. »
Par exemple, la Région Centre-Val de Loire affiche un montant maximal de sa DJA à 40 000 € contre 56 000 € en Auvergne-Rhône-Alpes. « Les personnes limitrophes vont pouvoir se poser la question d’où s’installer alors que le cadre national ne faisait pas de discrimination », regrette Emilie Vandierendonck.
Si la Bretagne a décidé de ne pas appliquer de modulations à sa DJA, les autres Régions ont choisi de mettre l’accent sur certaines caractéristiques :
- Le zonage (montagne, plaine ou zone défavorisée) ;
- Le montant des investissements ;
- La création de valeur ajoutée et d’emploi ;
- L’adhésion à une démarche de progrès (signes d’identification de qualité et d’origine, HVE, agriculture biologique) ;
- Le fait d’être hors-cadre familial, ou d’être une femme. En effet, l’Occitanie proposerait 2 000 euros supplémentaires aux porteuses de projets qui s’installent avec la nouvelle DJA.
Cadre réglementaire flou
Le cadre réglementaire reste quant à lui globalement assez flou. « Les procédures de suivi de l’engagement, de bilan à mi-parcours et de fin de parcours restent encore en écriture, indique Alexis Roptin. Mais la volonté des Régions a été de simplifier les démarches. Beaucoup de critères de contrôle ont été supprimés sauf ceux imposés par le PSN. » Par exemple, en Auvergne-Rhône-Alpes, le contrôle à mi-parcours est remplacé par un bilan plus allégé avec un recours moins systématique aux avenants. Toutefois, des pénalités pourront être prononcées si l’atteinte du Smic n’est pas vérifiée la quatrième année qui suit l’installation.

Les commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) ont laissé place à de nouveaux comités régionaux, parfois déclinés à l’échelle départementale. « C’est compliqué sur des régions assez grandes de traiter d’installations qui ont différentes spécificités », commente Alexis Roptin. L’instruction des dossiers n’est plus effectuée par les DDT mais par les conseils régionaux. « Dans le Centre-Val de Loire, il y a eu un ralentissement des installations dû au transfert de personnels des DDT vers les conseils régionaux, poursuit l’élu JA. Et les recrutements sont en cours dans les Régions qui en ont besoin. »
Si les syndicats regrettent les fortes disparités régionales dans le soutien financier des porteurs de projets, ils prêchent pour l’harmonisation de l’accompagnement et du suivi postinstallation. Des dispositifs soumis au débat dans le cadre de la future loi d’orientation et d’avenir agricoles. « Nous défendons un cadre national sans diversité d’accompagnement qui accentuerait les disparités entre Régions », insiste Alexis Roptin. « Les ambitions sont très en deçà des départs en retraite futurs, indique Laurence Marandola. La nouvelle aide à l’installation reste insuffisamment articulée avec d’autres dispositifs sur le foncier, la fiscalité ou la transmission. »
« Cette aide régionale ne doit pas détourner le regard de l’État sur sa responsabilité vis-à-vis des agriculteurs, souligne Olivier Morin, secrétaire national du Modef. Il faut que le nouveau dispositif prenne mieux en compte la garantie de revenus des jeunes installés pendant les cinq premières années. C’est une des garanties du renouvellement des générations en agriculture. »