« On avait peur de s’ennuyer ! », s’amusent les frères Mauritz et Jacques-Pierre Quaak. En effet, la ferme d’Arcy, située à Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne), ajoute cette année une nouvelle corde à son arc avec une unité de captation et de production de dioxyde de carbone (CO2).
Un CO2 de qualité alimentaire
« Le cœur de l’innovation est ce liquéfacteur de CO2 qui représente peut-être une partie de l’avenir de la méthanisation : valoriser à la fois le méthane et le dioxyde de carbone », souligne Mauritz Quaak. Mise en service au début de septembre, l’unité ZOE (Zéro Off-gas Emission) de valorisation du CO2 issu de la méthanisation est le premier site pilote à l’échelle industrielle. Développée par l’entreprise Gazfio, cette unité a pour but de capter 100 % des émissions de méthane et de CO2 produites par la méthanisation agricole.
Le CO2 et le biométhane résiduel issus de la biomasse produite par le méthaniseur sont récupérés par l’unité d’épuration ZOE pour être liquéfiés à haute pression (15 bars) et basse température (–78°C). Le mélange de gaz liquéfié est ensuite purifié grâce à une colonne de distillation qui sépare le biométhane du CO2. Purifié à 99,99 % pour correspondre aux normes de qualité alimentaire, le CO2 liquide est enfin stocké. Si pour l’heure, la ferme d’Arcy n’a signé aucun contrat, ce bio-CO2 liquide pourrait prochainement être redistribué à des industries pour divers usages comme la production de gaz carbonique à destination des serres agricoles ou la gazéification de boissons. De son côté, le biométhane résiduel est entièrement récupéré pour être réinjecté dans le réseau gazier.
Une énergie verte et locale
C’est en 2013 que les frères Quaak installent à la ferme d’Arcy le premier site de méthanisation agricole en injection baptisé « Bioénergie de la Brie ». La particularité ? « Le biogaz produit n’est pas transformé en électricité mais il est nettoyé de manière à être équivalent au gaz naturel » du réseau de distribution exploité par GRDF, détaille Jacques-Pierre Quaak. Dix ans plus tard, le méthaniseur tourne à plein régime pour produire près de 14 GWh de biométhane par an, qui alimente six communes voisines.
Avec 300 ha de cultures céréalières (blé, orge, colza, maïs, betterave) et un cheptel bovin de 150 mères de race limousine que compte cette exploitation familiale, « l’intérêt de la méthanisation est multiple », souligne Jacques-Pierre. Sur la ferme, les effluents d’élevage, les Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique) et les biodéchets issus des industries locales (pulpes de betterave, poussières de céréales, lactosérum) permettent de valoriser 15 000 tonnes d’intrants chaque année pour produire une énergie locale et renouvelable.
« Grâce à la méthanisation, la ferme est devenue autonome en potasse et en phosphore et on a réduit de 50 % les achats d’engrais azotés », précise Mauritz Quaak. Pour les deux frères, cette production supplémentaire s’inscrit dans un cercle vertueux qui produit de l’alimentation et de l’énergie, tout en traitant des biodéchets locaux.