À l’ouest de l’Île-de-France, placé à 5 km au nord de Houdan, le petit village de Gressey – 327 habitants au recensement de 1896 – fait l’objet d’une monographie calligraphiée à l’encre violette par son instituteur, Eugène Sergent. Il s’agit de constituer un corpus en vue de l’Exposition universelle de 1900, une tâche soigneusement vérifiée par l’Académie de Versailles dans le ressort de la Seine-et-Oise. Le maître d’école, fils d’un garde-champêtre et petit-exploitant du voisinage, boucle son rapport d’inspection agricole, le 5 septembre 1899. C’est l’occasion de saisir l’avancée de la mécanisation.

« La superficie territoriale est de 710 ha, dont 698 de terres labourables, prés, jardins, bois. La propriété, très morcelée, comprend 2 248 parcelles possédées par 310 propriétaires. Le sol, bien cultivé, produit abondamment des céréales de toute nature : blé, 132 ha, produisant plus de 5 000 hl ; avoine, 158 ha, produisant 7 000 hl ; orge, 10 ha, produisant 300 hl ; seigle, 8 ha, produisant 250 hl. Le sarrasin et le maïs ne sont cultivés que comme fourrage vert. La pomme de terre, 10 ha rapportant 650 quintaux ; la betterave fourragère, 18 ha rapportant 9 000 quintaux, ne sont l’objet d’aucun commerce.

Sur trente cultivateurs, un seul possède un semoir mécanique mais beaucoup en louent pour les semailles

La culture y est assez avancée, les méthodes nouvelles sont en partie appliquées, les engrais chimiques sont employés comme supplément au fumier de ferme. Sur trente cultivateurs, huit possèdent une moissonneuse mécanique à un ou deux chevaux, un seul possède un semoir mécanique mais beaucoup de cultivateurs en louent un pour les semailles, quelques-uns seulement un trieur et râteau à cheval.

Les charrues en usage dans le pays sont des charrues ordinaires montées sur bois : l’une d’elle est appelée « charrue à court chignon », l’autre s’appelle « charrue à mailles ». Cette dernière donne moins de tirage aux chevaux. Une seule exploitation se sert du « Brabant double ». Treize cultivateurs possèdent des machines à battre de divers systèmes ; sur ce nombre, deux machines sont à vapeur, l’une de force de quatre chevaux, l’autre de trois.

Le bétail comprend 53 chevaux servant à la culture ; 24 bœufs et taureaux ; 120 vaches laitières ; 70 veaux et génisses. Trois fermiers ont des moutons dont le nombre peut être évalué à huit ou neuf cents têtes. Le lait fourni par les vaches (4 500 hl par an) est principalement recueilli par une laiterie de Houdan qui l’expédie à Paris. L’hl de lait vaut 11 F en moyenne. Pour la nourriture de ces bestiaux 132 ha sont cultivés en luzerne et en sainfoin, produisant 6 500 à 7 000 quintaux de fourrage.

Les prairies naturelles ne comprennent guère qu’une dizaine d’hectares, la nature du sol n’étant pas favorable aux prés. Gressey pratique en grand l’élevage des volailles : poulets, dindons, oies et canards. On peut évaluer à 2 000 poulets, 300 dindons et 200 oies et canards, le nombre de volailles vendues annuellement. Cette vente produit annuellement une somme approximative de quatorze à quinze mille francs. Les poulets sont de grosse race. La race de Houdan est peu appréciée ici pour l’engraissement malgré la délicatesse de sa chair. »

Très proche de son village, l’instituteur assure un bilan circonstancié largement favorable, qui voile habilement quelques critiques subalternes. La commande faite par le ministère de l’Instruction publique avait pour but de mettre en valeur les progrès réalisés sous la Troisième République ; Eugène Sergent n’y a pas failli.