En plein lancement de la campagne de vaccination contre la grippe aviaire en France, les États-Unis et le Canada ont annoncé interdire l’importation de volailles françaises non transformées à compter du 1er octobre 2023.

Plusieurs justifications accompagnent la communication des deux pays. Le service des inspections de santé animale et végétale américain (Aphis) avance notamment que « la vaccination des volailles contre le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) peut masquer le virus circulant chez les volailles ». Autrement dit, il n’est pas possible de faire la distinction entre les animaux contaminés ou vaccinés. Le Canada, quant à lui, attend des garanties sur la traçabilité. « Il n’est pas clair si la viande de canards vaccinés sera éligible à l’exportation vers d’autres pays, ni comment la France identifiera, tracera et contrôlera les reproducteurs vaccinés », note l’agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

L’Europe, victime collatérale

L’Aphis précise que la France étant au sein du marché unique européen, l’interdiction concerne aussi les autres membres de l’Union européenne. « Nous ne pouvons actuellement pas être assurés que les pays commerçants sur le marché commun européen puissent certifier de manière fiable que les exportations ne proviennent pas de pays qui vaccinent les volailles contre la grippe aviaire », se justifie l’Aphis. La Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein sont également ajoutés à la liste. De son côté, le Canada réserve seulement sa suspension aux importations de volailles françaises. Dans les deux cas, les deux agences affirment poursuivre les échanges avec la France et l’Union européenne.

« L’accumulation de la perte de ces marchés peut être grave »

Interrogée par La France Agricole, l’interprofession des volailles de chair, Anvol, a réagi par l’intermédiaire de son directeur Yann Nédélec. « Pour ces marchés, il s’agit surtout de génétique, notamment des œufs à couver et nous ne sommes pas dépendants que de quelques clients majoritaires dans le monde, la plupart étant entre 5 et 10 %. Mais c’est l’accumulation de la perte de ces marchés qui peut être grave », souligne-t-il.

« Pour les États-Unis par exemple, l’exportation d’œufs à couver représentait pratiquement 5 millions d’euros en 2022 », ajoute-t-il. « Ce sont essentiellement des lignées à croissance lente que nous exportons, celles qui sont utilisées en bio ou en label et pour lesquelles la France est leader. Il faut faire attention car si ce secteur perd une partie de l’exportation, il peut être affaibli sur le territoire », avertit-il.

Du côté de la filière du foie gras, la problématique est un peu différente car il s’agit essentiellement du blocage du Canada qui pose un souci, comme le confie Marie-Pierre Pé, directrice du Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras). « Nous avons très peu d’établissements agréés pour les États-Unis. En revanche, nous exportons des canetons vers le Canada et surtout du foie gras cru. Le foie gras transformé n’étant pas concerné », précise-t-elle.

Un vaccin en test aux États-Unis

Cette affaire révèle toutefois un paradoxe. Gravement touchés par la grippe aviaire, les États-Unis envisagent eux aussi la vaccination. Un vaccin américain est en phase de développement et des tests ont été entamés au printemps dernier. Si le maillon de la production montre des signes d’intérêt, les transformateurs sont encore très réticents notamment par crainte de se voir appliquer des restrictions à l’exportation. Yann Nédélec soulève par ailleurs un autre point de vigilance concernant ce blocage. « Le problème, c’est que les États-Unis sont très observés et un certain nombre de pays pourraient avoir tendance à les suivre. Il faut faire attention aux réactions “boule de neige” », redoute-t-il.