"Le droit de l’environnement doit être un compromis entre l’utilisation de la nature et sa protection, estime Sylvain Pelletreau, avocat. Mais quand on pousse la définition, on parvient à un oxymore (2) permanent. Est-ce que, quand on protège la nature, on peut l’utiliser ? Est-ce que quand on l’utilise, on la protège ? L’oxymore tient aussi à ce rapport entre le temps court de l’action politique et le temps long de la transition. La logorrhée réglementaire y concourt également. La norme doit être prise comme un outil de compétitivité dès lors qu’elle est anticipée. En général, elle ralentit."
"En France, on a une vision poétique et non stratégique de l’environnement, poursuit-il. Les mesures prises autour du "zéro artificialisation nette" (ZAN) en témoignent. J’ai été effaré par ailleurs par les retranscriptions in extenso des propositions de la convention citoyenne dans la législation, histoire de jouer les contrefeux face aux gilets jaunes, sans anticiper l’applicabilité des normes édictées. Il est à déplorer aussi, en France, une certaine sympathie pour le romantisme révolutionnaire. Nous l’avons vu récemment à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, autour des questions de l’accès à l’eau."
Une justice à spécialiser
"Sur la question des recours, ils doivent exister, insiste Sylvain Pelletreau. L’État a choisi récemment d’en réduire les voies à l’encontre des projets d’éoliennes. Mais en limitant la contestation légitime, vous ouvrez la voie à la contestation illégitime. Les recours abusifs auxquels des secteurs comme l’agriculture sont exposés, devraient en revanche être sanctionnés."
"Il arrive trop souvent que les magistrats n’aient ni le temps, ni les moyens de traiter ces recours à leur juste mesure. Sur un certain nombre de sujets au quotidien, aujourd’hui, nous obtenons des décisions que nous ne comprenons pas. Je passe du temps à faire de l’ingénierie. Nous ne devrions avoir affaire qu’à des magistrats spécialisés."
Tenir un cap
"Le droit de l’environnement doit être analysé à l’aune du développement durable pouvant se résumer ainsi : « Servez-vous de la nature autant que vous voulez, à condition que vos enfants aient la même ressource à disposition », détaille Sylvain Pelletreau. Il repose sur trois piliers : social, environnemental et économique. Dès que vous oubliez un de ces piliers, vous produisez une loi bancale. Je défends aussi la notion de souveraineté environnementale poussée en 2020, au moment du premier confinement. Cela veut signifier que tout doit découler de l’environnement mais que rien ne doit être imposé par un dogme."
"Cette crise sanitaire puis énergétique, a rebattu les cartes, ajoute-t-il. Avant de produire des règles, il faut définir nos besoins fondamentaux du quotidien, la protection de l’environnement vient ensuite. L’alimentation, l’électricité... Aujourd’hui, dans les deux cas, on est devenu importateur net. Que veut-on aujourd’hui pour l’économie de demain en France ? On peut vouloir dire que toutes les activités économiques sont polluantes et donc viser les supprimer. Mais alors, on n’aura plus de richesse et sans richesse, pas de protection de l’environnement. Sur un navire, il ne faut pas naviguer à grands coups de barre, mais tenir un cap. C’est ce qu’il nous faut définir aujourd’hui."
(1) Associé au sein du cabinet Richelieu avocats, Sylvain Pelletreau est intervenu, le 6 décembre, lors d’un webinaire organisé par « Oui à l'innovation ! » sur les dérives du droit de l’environnement.
(2) Figure de style qui réunit deux mots en apparence contradictoires