En 2015, lors de son départ à la retraite, Peio Charriton, éleveur en bio à Isturits, au Pays basque, ne voulait pas louer ses terres au premier venu. Tout d’abord, il souhaitait que la certification agriculture biologique soit maintenue grâce à une clause environnementale. D’autre part, ses bonnes parcelles étaient convoitées par plusieurs agriculteurs du coin. « Il était difficile de choisir sans vexer », raconte-t-il prudent. Pour contenter un maximum de paysans, mais ne pas avoir non plus plusieurs fermiers, son juriste lui a proposé un bail copreneurs.

Des avantages…

Initialement, cinq maraîchers bio, qui avaient des fermes aux alentours, mais pas dans la commune, étaient intéressés. Ainsi que Gisèle et Ludovic Lacroix, en Gaec, qui élèvent des brebis laitières en bio, à proximité. Chaque ferme tenait à son indépendance culturale et à vendre sa propre production. « Trop différents les uns des autres, nous n’étions pas prêts à exploiter ensemble dans un Gaec ou un assolement collectif, ni à commercialiser via une SARL », confie Jean-Michel Urruty, un des maraîchers. Alors, les exploitants ont décidé d’accepter la proposition du propriétaire et de signer un bail copreneurs.

En 2016, trois agriculteurs ont cessé leur activité et ont quitté le bail, mais deux jeunes devraient les remplacer bientôt. Lors d’une réunion annuelle, chaque producteur de légumes exprime ses besoins en surface, les éleveurs prennent ce qui reste. Le bail ne précise pas combien de parcelles sont attribuées à chaque copreneur.

Le bailleur perçoit un fermage global. Les fermiers s’organisent entre eux pour le diviser en fonction des surfaces que chacun exploite, et qui sont variables selon les années. Les preneurs sont solidaires du paiement du fermage et des conditions d’exploitation. Un juriste les a aidés à rédiger un règlement intérieur pour réguler cette solidarité, les accès, l’irrigation, l’enlèvement des bâches utilisées par les maraîchers…

« Au début, la MSA ne savait pas comment répartir les parcelles sur le relevé d’exploitation de chaque agriculteur », se souvient Stéphane Perrier, un autre maraîcher. Mais après un courrier explicatif, elle a compris qu’elle n’avait rien à perdre, depuis le passage du forfait au micro-BA.

Lorsqu’un exploitant quitte le bail, en application de l’article L411-35 alinéa 3 du code rural, les copreneurs en avertissent le bailleur dans les trois mois suivant le départ, par lettre recommandée avec accusé de réception, afin que le bail se poursuive avec ceux qui restent. Le propriétaire ne peut s’y opposer qu’en saisissant le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le cas échéant, chaque copreneur doit solliciter une autorisation d’exploiter.

… et des inconvénients

Les fermiers sont unanimes, « le seul inconvénient c’est la déclaration Pac ! », qui leur prend un après-midi. Chaque année, ils se retrouvent pour faire la projection de leurs assolements respectifs et s’échanger les droits à paiement de base correspondants. Le technicien d’Euskal Herriko qui les accompagne dans leur déclaration, Herriko Laborantza Ganbara, veille à ce qu’aucune clause de transfert ne soit oubliée, ni aucune surface omise ou en doublon. Concernant les maraîchers, la contrainte administrative est lourde, pour un enjeu financier Pac minime, mais ils jouent le jeu du collectif pour l’éleveur et pour le propriétaire. Gaia Campguilhem