L'Institut national de la statistique (Insee) vient de publier une nouvelle étude sur les saisonniers en France, tous secteurs confondus. Elle permet de compléter les études existantes sur cette population de travailleurs dont l'importance s'est révélée au grand public pendant le confinement de 2020.
Comment ? Au travers d'une analyse de la place des saisonniers dans l'emploi, datée de décembre 2019 et écrite par la Dares, le service statistique du ministère du Travail, et les enseignements tirés du recensement agricole, publiés en juillet 2022 par Agreste, le service statistique du ministère de l'Agriculture.
Une définition économique
La particularité de cette étude de l'Insee réside dans la définition économique du saisonnier. Les autres études se basent sur la définition juridique à travers le statut de saisonnier écrit sur le contrat de travail. Se voulant plus solide aux changements éventuels de la loi, l'Insee inclut les employés qui n'auraient pas un tel statut, comme les intermittents du spectacle, les CDD d'usage ou les autoentrepreneurs (interdits en agriculture).
En revanche, l'étude écarte les travailleurs embauchés plus longtemps que la saison, celle-ci étant définie comme un pic d'activité court, mais supérieur à quinze jours dans un bassin d'emploi. L'étude porte sur 2017 afin de pouvoir faire apparaître, dans une analyse qui reste à conduire, les effets économiques des confinements sur les saisonniers.
Le nombre de saisonniers change donc selon les études. En agriculture, l'Insee dénombre 157 653 saisonniers en agriculture alors que la Dares en comptait 270 000. En 2018 dans une note de travail, France stratégie avait déjà souligné la difficulté d'établir un comptage unique des saisonniers du fait de la diversité des sources.
Les analyses ne sont donc pas strictement comparables dans leurs valeurs absolues, mais l'Insee permet d'affiner le profil du saisonnier agricole et, surtout, de le comparer aux autres secteurs d'activité pour voir en quoi ils diffèrent et, au contraire, en quoi ils sont confrontés aux mêmes enjeux.
Une dépendance de l'agriculture
L'agriculture pèse 7,7 % de l'ensemble des contrats saisonniers (hors intérim) alors que le secteur représente seulement 2 % de l'emploi salarié privé. On fait de nouveau apparaître une surreprésentation des saisonniers dans l'emploi agricole. Avec d'autres chiffres, le Dares avait déjà dressé un constat similaire puisque, pour elle, un tiers des travailleurs agricoles avaient un statut de saisonnier.
D'autres secteurs sont beaucoup plus dépendants des saisonniers : le spectacle ou l'audiovisuel (respectivement 13,7 et 11 % de l'emploi saisonnier alors qu'ils pèsent 3,9 et 2,6 % de l'emploi salarié privé). L'hébergement et la restauration embauchent beaucoup plus de saisonniers mais sa dépendance n'est pas très éloignée de celle de l'agriculture (20,6 % des saisonniers et 8,5 % des emplois salariés privés).
Des recrutements plus étalés en agriculture
L'Insee compte le nombre d'emplois occupés par des saisonniers jour par jour. L'agriculture présente la caractéristique d'étaler ses jours de travail d'avril jusqu'à décembre. La courbe connaît deux pics d'amplitude modeste au printemps, pour les récoltes légumières, et en septembre, pour les vendanges. À l’inverse, l'hébergement et la restauration concentrent le travail saisonnier uniquement en juillet et en août. Le commerce a le même profil bien que l'amplitude soit plus tempérée.
Ainsi, pour un saisonnier, l'agriculture représente un vivier de travail auquel il peut faire appel plus souvent durant l'année. Ce qui peut être intéressant pour les "saisonniers professionnels", c'est-à-dire ceux qui travaillent toute l'année dans ce type de poste par opposition aux "saisonniers occasionnels" qui renvoient plutôt à l'image du jeune dans son job d'été.
Des emplois liés à la région...
Sur dix postes saisonniers agricoles, quatre concernent la culture de la vigne et deux concernent la culture des fruits à pépins et à noyau (abricots, cerises, pommes, etc.). Les emplois sont donc concentrés dans ces zones de production : les bassins viticoles, le Sud arboricole, l'Anjou...
Dans le Gard, le taux de recours à l'emploi saisonnier est de 30,8 % pour les agriculteurs, alors qu'il est de 2,3 % tous secteurs confondus. Le taux de recours est la part dans le total des heures travaillées pendant la période.
La forte régionalisation des emplois saisonniers n'est pas propre à l'agriculture. Des zones profitent de leur attractivité touristique pour faire appel aux saisonniers dans des proportions nettement supérieures à la moyenne.
Par exemple, un salarié sur trois est saisonnier dans la région de Briançon (Hautes-Alpes) parce qu'elle comprend deux parcs naturels et une station de sport d'hiver. La région d'Arles répond à la même logique du fait, cette fois-ci, de son activité audiovisuelle et des festivals culturels qui s'y tiennent.
Un profil pas forcément lié à la région
Même si l'emploi saisonnier est régionalisé, 15 % des saisonniers n'habitent pas dans la région où ils exercent. Cette part est deux fois plus importante que pour l'ensemble des salariés. Sur l'ensemble de l'année, 2,5 millions de salariés ont travaillé comme saisonniers en France. Les contrats sont généralement courts : un emploi saisonnier sur deux dure moins de dix jours mais cette durée varie selon les secteurs économiques.
Un saisonnier occupe en moyenne 3,3 postes sur l’année, contre 1,6 pour l’ensemble des salariés. Et 20,9 % des saisonniers occupent plusieurs postes simultanément, contre seulement 7,4 % pour l’ensemble des salariés. Malgré ce cumul, le revenu annuel moyen est inférieur à 12 440 euros.