« C’est une culture qui semble prometteuse », pose Jean-Dominique Gilet, directeur de la chambre d’agriculture du Cher, qui a lancé deux formations sur la culture de bambous à l’automne-hiver 2024-2025. Agronomiquement, le bambou a de quoi séduire : résistant au gel, pas besoin de travail du sol et surtout pas de produits phytosanitaires. « Cela en fait un véritable intérêt pour les agriculteurs sur des aires d’alimentation de captage », soutient Jean-Dominique Gilet.

Mais la filière est encore à ses prémisses en France. Quelques entreprises s’y intéressent pour trouver des débouchés en biomatériaux d’abord, avec des produits à base de fibres de bambous, mais aussi en biomasse, transformée en biocarburants.

Investissement

10 000 €/ha

Jérôme Sachot, installé en polyculture-élevage en Vendée, vient de se lancer, avec 17 hectares plantés (400 pieds par hectare), pour un investissement d’environ 10 000 € par hectare.

L’investissement de départ, conséquent, comprend essentiellement « l’achat des plants de bambous et la mise en place du système d’irrigation au goutte-à-goutte », estime Christophe Downey, fondateur de Horizom, une jeune entreprise qui accompagne les agriculteurs et développe des contrats de valorisation avec les industriels. « La première récolte arrive à la cinquième année, et le rythme de croisière de production est atteint à partir de la huitième année », explique le directeur.

Cette durée fait partie des inconvénients, concède Jérôme Sachot. « Économiquement, il y a une période de latence entre la plantation et la première récolte ». Dans le cadre d’un projet où un industriel n’est pas encore implanté sur le territoire, « on accompagne l’agriculteur en versant une avance sur le paiement de la récolte, à hauteur de 750 €/ha pendant quatre ans pour lui permettre de se lancer dans cette culture et de prendre le risque », veut rassurer Christophe Downey. Le « point d’équilibre » de la rentabilité par rapport à l’investissement se situe justement entre la huitième et dixième année.

Rémunération

Certification carbone

« Quand on plante des bambous, on séquestre du carbone dans la plante. Nous certifions ce projet et on valorise le carbone séquestré sous forme de certificats carbone, ce qui permet de dégager des revenus complémentaires », explique le directeur d’Horizom. Il estime ce gain pour l’agriculteur à un total de 7 000 € par hectare sur les 20 premières années.

La première année demande plus de temps de travail avec la mise en place d’un couvert végétal, de l’irrigation et de la plantation. En moyenne, l’entreprise Horizom estime à 25 ans la durée de rendements, avec des coupes régulières par bande. « Nous récoltons un tiers des surfaces tous les ans : on laisse trois ans à la première bande pour se régénérer. »

Durant cette période de croisière, le temps de travail est modeste : « il consiste à faire l’entretien des tours de champs pour limiter l’expansion du bambou une à deux fois par an » soutient le directeur d’Horizom. Pour ses parcelles, Jérôme Sachot estime ainsi à 15 jours de travail dédié à son nouvel atelier dans l’année après la mise en place.

Quelles précautions ?

Nécessité d’une irrigation

Attention cependant, la bambouseraie « n’est pas la poule aux œufs d’or, avertit Jean-Dominique Gilet, on ne peut pas faire du bambou partout ». Le contexte pédoclimatique est important : le bambou aimera les sols drainants. « Ils se plaisent très bien sur des sols à maïs », ajoute Christophe Downey de Horizom qui préconise l’ouest de la France. Il y a plusieurs éléments à prendre en compte avant de se lancer dans cette nouvelle culture, prometteuse, mais qui manque de recul.

« Au préalable, il y a un travail à faire sur son sol et la capacité de son exploitation à recevoir du bambou. La culture nécessite une réorganisation du travail et de l’investissement avec l’irrigation. Sans irrigation, cela paraît compliqué. C’est mieux d’être propriétaire de ses parcelles puisque c’est une culture pérenne. Si l’on est fermier, il faut avoir une réflexion avec son propriétaire sur le long terme », énumère le technicien. La temporalité de la culture, sur vingt-cinq ans, implique aussi de se faire accompagner par une entreprise solide : « Il faut s’assurer que la structure avec qui vous signez un contrat n’explose pas dans dix ans. Il est vraiment important d’être bien cadré sur son business plan », prévient Jean-Dominique Gilet.

Avant toute chose, le responsable de la chambre d’agriculture recommande aux agriculteurs de se former auprès du réseau consulaire pour connaître les contraintes et avantages de la culture de bambous pour faire un choix en connaissance de cause. « C’est une culture nouvelle qui nécessite d’y réfléchir », résume Jean-Dominique Gilet.