« En 2019, il n’y avait ici ni vaches, ni étable », raconte Sébastien Baur en désignant de la main la stabulation libre de 84 logettes posée sur le pré. Un peu à l’écart du village, à Stotzheim, en Alsace, l’EARL de la Marguerite s’est constituée en un temps record. L’occasion d’acheter les 30 vaches d’un éleveur de la commune souhaitant arrêter son atelier déclenche le projet en 2020. Sébastien avoue avoir « toujours voulu son élevage », un challenge impossible à relever en plein cœur de Huttenheim dans la ferme céréalière de ses parents.

Vacher pendant quinze ans, il reprend leur exploitation en 2020 et la fusionne sans attendre avec celle de Jean-Charles Wurry, à Stotzheim, à une dizaine de kilomètres. L’EARL de la Marguerite est née. Elle intègre les activités de grandes cultures et vignes de l’exploitation sur laquelle Jean-Charles est installé depuis 2002. Ce dernier, titulaire d’un BEP élevage passé en 1998, conserve seul l’atelier de maraîchage.

« Les ânes du Poitou sont affectueux en diable », affirme Jean-Charles Wurry en évoquant ses « chouchous ». (©  Henri Roy)

Une production de lait non limitée

Éclatées en une centaine de parcelles éloignées entre elles jusqu’à sept kilomètres, les cultures sont majoritairement non irriguées. « Y a-t-il intérêt à investir dans du matériel alors que nous ne savons pas à quelle sauce sera mangée cette technique demain ? », interroge Sébastien. Engagés depuis trois ans dans une démarche HVE (Haute valeur environnementale) initiée par une demande pour la vigne, les associés suivent des itinéraires classiques (un fongicide sur blé, un désherbage sur maïs) pour récolter en moyenne 100 q/ha de maïs, 80 à 85 q/ha de blé et 65 q/ha d’orge. L’orge est autoconsommée alors que les autres céréales sont vendues en coopérative au prix d’acompte moisson. « Nous ne spéculons pas », précisent Sébastien et Jean-Charles.

Pour démarrer le lait, les deux cogérants louent pendant dix-huit mois l’ancienne étable de leur collègue, le temps de construire leur propre stabulation sur caillebotis. Sébastien équipe les logettes de matelas à eau sur lesquels il épand de la farine de paille. Il se félicite du confort dont bénéficie son troupeau composé actuellement de brunes achetées en Côte-d’Or et en Haute-Marne, de prim’holsteins, de montbéliardes et de jersiaises. « Nous visons 80 % de brunes à terme. Le caractère de la race nous correspond. Et puis il y a les taux ! », détaille Sébastien.

Pour l’heure, le troupeau affiche près de 9 000 l de production moyenne par vache et par an, à 44 de matière grasse (MG) et 36 de matière protéique (MP). « Il est encore jeune. Il compte 45 % de primipares », rappelle Sébastien qui fixe l’objectif de production à 10 000 l par vache et par an. « Nous avons signé un contrat pour livrer 660 000 l par an. Nous atteindrons sans doute 800 000 l en 2024. Ce n’est pas un souci. Alsace Lait, notre coopérative, a besoin de lait. La production des adhérents n’est plus limitée. »

Comme l’entreprise accorde une prime de 20 €/1 000 l au lait de pâturage, Sébastien et Jean-Charles n’ont pas hésité à réserver au troupeau 8 ha de prairies attenantes au bâtiment. Leurs vaches les fréquentent au minimum 120 jours par an, six heures par jour.

Préserver le patrimoine français

« Notre plaisir est d’être au contact de nos bêtes », affirme le duo. Outre les brunes, favorites de Sébastien et les jersiaises, préférées de Jean-Charles, les deux hommes se sont chacun pris de passion, l’un pour le cheval poitevin, l’autre pour l’âne du Poitou, leurs « chouchous ». Ils sont les seuls dans le Grand Est à posséder de tels animaux et se sentent « acteurs de la préservation du patrimoine français ».

« J’aime l’élégance et la prestance du cheval poitevin », apprécie Sébastien Baur avec Ezka, 10 ans, sa meilleure jument. (©  Henri Roy)

Les deux races sont menacées d’extinction. Les petits des deux troupeaux sont vendus pour l’élevage ou la reproduction sans objectif particulier de rentabilité. « Nous ne voulons pas nous agrandir. Entre les vaches, les chevaux et les ânes, nous avons trouvé notre rythme de croisière. Nous n’avons fait qu’appliquer la devise qui dit « fait de ton hobby ton métier et tu n’auras jamais besoin d’aller travailler ! » »