« En avril, j’ai repris la vente directe de veaux. Cela devenait nécessaire, mes clients attendaient mes viandes. À l’automne 2023, je n’ai pas pu leur livrer de bœuf comme d’habitude. Avec la sécheresse qui m’oblige depuis deux ans à acheter des fourrages, je n’avais plus assez de trésorerie pour l’aliment de finition. J’ai dû vendre des vaches en maigre au lieu de les engraisser », explique Sébastien Barboteu, éleveur à Maureillas-las-Illas, dans les Pyrénées-Orientales.

Des opportunités à saisir

Après avoir obtenu un BTS en productions animales et travaillé trois ans comme aide familial, il s’est installé en 2007 en créant sa propre exploitation. Il élève aujourd’hui 35 limousines et 10 aubracs sur 50 ha de prairies complétées par des parcours, réparties en deux sites dans la vallée du Tech.

Dans ses prairies naturelles irriguées par gravité, Sébastien oriente l'eau des canaux avec une martelière en demi-lune. (©  Frédérique Ehrhard)

« J’ai démarré sur 30 ha en fermage à Maureillas, à 150 m d’altitude. Avec une partie irrigable grâce à des canaux, c’était une opportunité à saisir », relève-t-il. Puis à la retraite de ses parents en 2018, il a repris leur exploitation à Prats-de-Mollo, à 900 m d’altitude.

Passionné de sélection

Pour démarrer, son père lui a cédé trente limousines. Sébastien Barboteu a d’abord investi dans le troupeau et amélioré la génétique. Il s’est équipé de matériel d’occasion, et a attendu 2012 pour construire trois tunnels d’élevage de 150 m² chacun et une table d’alimentation couverte de 36 places.

« Je finis des veaux et des vaches de boucherie de moins de dix ans pour la Coopérative catalane des éleveurs. Et je valorise en direct les velles moins bien conformées ou les vaches plus âgées, principalement auprès de clients de la vallée », détaille-t-il.

Avec 40 ha de prés de fauche, dont 12 ha irrigués par des canaux, le jeune éleveur était autonome en fourrages et n’achetait que la paille et l’aliment de finition. Mais depuis deux ans, les pluies se font rares et les périodes de sécheresse longues, ce qui l’oblige à acheter aussi du foin. « J’en ai eu pour 20 000 € en 2023 », note-t-il.

« Je tiens à finir mes bêtes pour faire travailler la filière de  la viande locale et garder la valeur ajoutée ici ! »

Grâce à son assurance récolte, il a touché 4 700 € d’indemnités. Il devrait recevoir un coup de pouce du conseil régional de l’Occitanie de 2 200 € ainsi qu’une aide du fonds d’urgence, mais il ne sait pas quand. « Si je n’avais pas réussi à décaler une annuité de 15 000 €, je n’aurais pas pu acheter assez de foin », relève Sébastien Barboteu, qui a aussi bénéficié de la solidarité d’amis agriculteurs d’autres régions.

En 2021, juste avant que ce cycle de sécheresse démarre, il a été confronté à une épidémie de diarrhée virale bovine (BVD) qui l’a obligé à faire euthanasier 20 veaux sur 45. « Depuis, je vaccine tout le troupeau ! Mais cela fait trois ans que je ne peux plus me payer de mon travail », confie-t-il.

C’est sa femme, vétérinaire, qui fait vivre la famille pour l’instant. « Ses parents étaient agriculteurs, elle comprend les aléas du métier, heureusement », partage Sébastien Barboteu.

Des pistes pour s’adapter

Il n’est pas question pour autant de baisser les bras. Afin de réduire autant que possible les achats en 2023, il a vendu des broutards en estive. « Au prix de l’aliment, qui avait grimpé à plus de 500 €/t, cela ne valait pas le coup de les finir en veau primeur. Ils ont fini de pousser avec l’herbe de la montagne », se souvient-il.

Mais cela ne correspond pas à son objectif, et avec un aliment redescendu à 360 €/t, il a repris cette production de veau. « Je tiens à finir mes bêtes pour faire travailler la filière de la viande locale et garder la valeur ajoutée ici ! »

Cette année, onze vaches et leurs veaux ont passé l'hiver en plein air pour économiser de la paille. (©  Frédérique Ehrhard)

Sébastien Barboteu se forme afin de faire évoluer son système et teste de nouvelles pratiques. « Je me suis équipé d’un semoir direct et je vais sursemer de l’avoine dans la luzerne afin de renforcer la première coupe enrubannée. » Il va également adapter la conduite du pâturage. « Je vais faire raser moins l’herbe pour mieux protéger le sol de la chaleur », explique-t-il.

Afin de conserver plus d’humidité dans son environnement, il va aussi développer l’agroforesterie. « Cette année, je prévois de planter des frênes le long du canal. J’envisage de mettre également des caroubiers, qui résistent bien à la chaleur et à la sécheresse. Leurs graines, achetées en Espagne pour l’instant, complètent bien la ration de finition des veaux. Je gagnerai ainsi en autonomie. »