Avoir de l’agneau toute l’année, tel est le diktat du consommateur. Cette pression pousse les éleveurs à tester de nouvelles pratiques pour un plus grand étalement de leurs ventes. Pendant longtemps, l’offre d’agneaux bio d’hiver et de printemps était moins importante que la demande. « Depuis trois ans, l’offre et la demande s’équilibrent. En circuit court, on peut expliquer le cycle de l’animal à son client, mais en filière longue, si le distributeur ne trouve pas d’agneau français, il n’en propose pas », fait remarquer Jean-Marie Mazenc, technicien en élevage à Bio Centre.
Naturellement, les agneaux naissent en février, mars. Bien qu’ils soient considérés comme agneaux jusqu’à douze mois, ils sont généralement commercialisés entre trois et neuf mois, plutôt à l’été et à l’automne. Difficile d’obtenir le traditionnel agneau de Pâques, surtout quand cette fête religieuse tombe à la fin de mars, comme cette année.
Des races bien choisies
En agriculture conventionnelle, les éleveurs peuvent désaisonnaliser les brebis grâce aux hormones. En agriculture biologique, il faut jouer sur l’introduction des béliers dans le lot de brebis et sur le choix de la race. Certaines, comme la solognote, la charmoise, la berrichonne de l’Indre, la noire du Velay, la blanche du Massif central désaisonnent naturellement. Souvent, les éleveurs de ces races rustiques les accouplent avec des béliers typés viande, comme le poll dorset, pour une meilleure conformation.
Le projet Casdar Révabio a étudié les pratiques d’étalement de trente-trois fermes, dont quatorze en bassin herbager (1). Différentes techniques sont possibles : avancer la date de reproduction à juin, juillet afin d’obtenir des agneaux en novembre, décembre, retarder la croissance des agneaux qui seront élevés pendant dix à douze mois lentement, ou bien opter pour deux lots.
Retarder les agnelages
Aujourd’hui, 40 % des ventes d’agneaux de janvier à mai sont pratiqués avec le report ou avec une avance de saison. La technique de « report » n’est pas présentée dans le tableau ci-contre car elle est très technique et peu pratiquée en système herbager. Il s’agit de conduire de façon extensive les agneaux nés après la mi-avril, c’est-à-dire sur une « vieille prairie ». Les agneaux se développent peu. En hiver, ils sont finis avec une très bonne qualité d’herbe, ce qui semble assez contre nature.
« C’est possible sur de très bonnes prairies temporaires ou bien si l’on fait pâturer des couverts, explique Jean-Marie Mazenc. Cette technique est la plus rentable car elle n’utilise pas de foin ni de concentré. » Selon les résultats de Révabio, le coût du système d’alimentation est de 7,2 € par kg carcasse (kgc), soit 0,9 € par kg de plus qu’une mise bas en fin d’hiver. Cette technique nécessite de grandes surfaces et un bon suivi sanitaire des agneaux. Privilégiez plutôt la charmoise.
Avancer les agnelages
En ce qui concerne l’avance dans la saison, le mouton vest une race particulièrement adaptée à cette pratique. Les brebis sont rentrées en bergerie à la fin du printemps, elles reçoivent du foin de bonne qualité́, voire du méteil. Les agneaux nés en automne sont conduits en bergerie. Cela entraîne une consommation de concentréś significative et nécessite des bâtiments fonctionnels, ce qui augmente le coût de production de 1,2 € par kgc par rapport aux naissances de fin hiver.
Fractionner les agnelages
Autre technique, assez courante : conduire le troupeau en deux périodes. La conservation d’agnelles sur les naissances de l’automne facilite leur mise à̀ la reproduction dès la première année, mais il faut leur faire de la place… Globalement, le fractionnement des agnelages écrête les pointes de travail, mais augmente la charge globale de travail d’astreinte. Là encore, le coût d’alimentation est le plus élevé avec 1,9 € par kgc supplémentaire par rapport au naturel.
Les charges de mécanisation (distribution aliments, soin en bergerie…) croissent également de 3,4 € par kgc à 5,1 € par kgc. En sachant que le prix du kilo d’agneau bio est valorisé 1 euro en plus en hiver, les charges de production supplémentaires ne sont pas couvertes. Plus largement, seuls la méthode « naturelle » et le « report » permettent à l’éleveur ou l’éleveuse de se payer à hauteur d’un Smic ou plus (2).
(1) Sur 2019 et 2020. (2) Dans le cadre du Casdar Révabio.