L’histoire

Une caisse de crédit agricole avait consenti à l’EARL du Mont Ventoux, constituée entre Marc et son épouse Cécile, plusieurs prêts en vue de l’acquisition de parcelles et de matériel. Marc, s’était rendu caution, avec le consentement exprès de son épouse, des engagements de la société à l’égard de la banque.

Le contentieux

L’EARL ayant rencontré des difficultés financières avait été mise en redressement puis en liquidation judiciaires. La banque avait alors assigné Marc et son épouse Cécile, pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer certaines sommes.

La solidarité entre époux s’imposait-elle ? La banque pouvait-elle poursuivre les deux époux ? Le fondement du litige se trouvait dans l’article 1415 du code civil. Ce texte dispose que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint, qui dans ce cas n’engage pas ses biens propres. Le consentement exprès du conjoint donné à l’occasion de la souscription d’un emprunt contracté par l’autre époux offre une garantie particulière à la banque qui peut, le cas échéant, poursuivre la caution sur les biens communs.

Pour poursuivre les deux époux en invoquant leur solidarité, la banque s’était fondée sur le consentement exprès donné par Cécile dans l’acte de caution. La banque espérait-elle ainsi pouvoir mettre en œuvre outre les biens communs, les biens propres de Cécile ?

Les juges lui avaient donné raison. Ils avaient condamné solidairement Cécile. Pour eux, dès lors qu’il résultait des actes de cautionnement que Marc était caution avec le consentement exprès de Cécile - la signature de cette dernière était en effet précédé de la mention manuscrite de celle-ci « Bon pour consentement exprès » - il y avait lieu de retenir la solidarité entre les époux.

« Elle avait signé l'acte de cautionnement avec la mention “Bon pour consentement exprès” »

Marc et Cécile estimaient que cette situation était contraire aux dispositions de l’article 1415 du code civil. Aussi, avaient-ils saisi la Cour de cassation en soutenant que le consentement exprès du conjoint à un contrat de cautionnement a pour seul effet d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs.

La haute juridiction a censuré la cour d’appel. En donnant son consentement, le conjoint, qui ne contracte aucun engagement personnel, ne se porte ni caution ni emprunteur. Aussi, en retenant l’existence d’une solidarité entre Marc et Cécile pour la seule raison qu’il résultait des actes de cautionnement qu’elle avait donné son consentement exprès au cautionnement souscrit par son époux, les juges avaient bien violé la loi.

 L’épilogue

Marc et Cécile n’auront pas à revenir devant une cour de renvoi. En effet, après avoir censuré la cour d’appel, la Cour de cassation a considéré – ce qui est peu fréquent - que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifiait qu’elle statue au fond. Aussi a-t-elle retenu que Cécile ne s’étant pas porté caution, la demande en paiement de la banque devait être rejetée en tant qu’elle était formée contre elle. Retenons de cette histoire que signer un acte de cautionnement n’est pas anodin et implique d’être vigilant sur sa portée et d’avoir conscience de ses conséquences juridiques.