Une version « projet » pour « servir de socle aux consultations des instances obligatoires ». Voilà sous quelle forme le gouvernement présente les premières pistes de sa troisième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le 12 décembre 2025, à l’occasion des dix ans de l’accord de Paris pour le climat. Très attendu par les associations de défense de l’environnement, ce plan doit permettre d’ajuster les budgets carbone 2024-2028 et 2029-2033, et d’arrêter le budget carbone de la période 2034-2038. Tout cela avec l’objectif ultime d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
20 % des émissions brutes de la France
Fruit d’une « large concertation » entre les ministères concernés, les collectivités territoriales et les citoyens, le document s’intéresse aux secteurs les plus émetteurs de gaz à effets de serre. Et parmi eux, l’agriculture est l’un des plus conséquents, représentant à lui seul 20 % des émissions brutes de la France avec 76 mégatonnes équivalent CO2 émises en 2023.
Une grande partie des émissions liées à l’agriculture sont largement incompressibles, car elles résultent de processus biologiques. C’est le cas de la production de méthane issue de la fermentation lors de la digestion des ruminants, ou encore la libération de protoxyde d’azote induite par la fertilisation des sols. Les émissions de carbone liées à l’utilisation de combustibles fossiles dans l’agriculture ne représentent que 13 % du total.
Afin d’espérer respecter l’engagement de la neutralité carbone du pays en 2050, le plan fixe l’objectif de baisser les émissions agricoles à 67 mégatonnes éq. CO2 en 2030, et à 43 mégatonnes éq. CO2 en 2050.
Développer des systèmes pâturants dans les élevages
Pour cela, réduire les émissions des élevages est primordial, estime le gouvernement. Selon le scénario envisagé, les cheptels doivent être accompagnés dans leur évolution vers des systèmes « davantage pâturants », avec « une autonomie protéique renforcée » rendue possible par une réduction des importations de soja et une production de protéagineux et légumineuses fourragères en hausse.
Les effluents d’animaux devront aussi être mieux gérés, notamment en couvrant davantage les fosses à lisier, en améliorant les pratiques d’épandage et la méthanisation de ces effluents. Enfin, la production de méthane lors du processus de digestion des ruminants pourrait être réduite grâce à l’ajout d’additifs alimentaires limitant la fermentation dans les rations données lors des périodes durant lesquelles les animaux sont en bâtiment. Sur ce dernier point, la sélection génétique d’animaux moins émetteurs est aussi envisagée.
Réduire l’utilisation d’engrais azotés dans les cultures
Pour réduire de 50 % l’usage des engrais minéraux azotés en 2050 par rapport à 2020, les techniques culturales devront aussi évoluer, indique le plan. Les agriculteurs sont appelés à déployer des techniques de culture de précision « permettant une diversification et une optimisation des apports en azote ».
Le plan entend par ailleurs « allonger les rotations et diversifier les cultures, notamment pour développer les légumineuses ». L’objectif est d’atteindre 10 % de la surface agricole utile cultivée dans cette catégorie d’ici 2030. Enfin, le scénario du gouvernement prévoit de développer les systèmes agroécologiques, en visant 36 % des surfaces en 2030, et l’agriculture biologique, pour 21 % des surfaces, toujours en 2030.
Décarboner progressivement la consommation d’énergie
Les engins et bâtiments agricoles sortiront eux aussi progressivement des énergies fossiles pour les quitter totalement en 2050, indique le plan. Serres et équipements devront par ailleurs gagner en efficacité énergétique en déployant des systèmes de chauffage alternatifs, comme la géothermie, la chaleur fatale ou la biomasse.
Régimes alimentaires : plus de produits locaux, durables et de qualité
Bien que la SNBC dût fixer des objectifs chiffrés en matière de consommation de viande pour guider la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) sur ce point, la première version présentée par le gouvernement n’en contient pas. Elle se contente d’intégrer l’hypothèse « d’une augmentation de la consommation de fruits, légumes et légumineuses » et renvoie la consommation de viandes et de charcuterie à une simple « conformité aux repères nutritionnels du Programme national nutrition santé (PNNS) ».
Plus généralement, le document souhaite « favoriser la consommation de produits locaux, durables et de qualité et lutter contre le gaspillage alimentaire », avec un objectif de réduction de 50 % d’ici 2030 par rapport à 2015.
Principale architecte de ce premier jet, l’ex-ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a réagi à la publication du document, le qualifiant sur les réseaux sociaux de « plan d’action ultra-précis qui va permettre d’accélérer la mise en œuvre des politiques publiques de transition ». Elle regrette cependant « les renoncements sur le volet alimentation qui constitue pourtant un axe stratégique de réflexion ».
Une adoption de la SNBC 3 espérée au printemps 2026
Le chemin vers la validation de la SNBC 3 est encore long et son adoption au printemps 2026, comme le souhaite l’exécutif, paraît ambitieux. Le projet doit d’ici là faire l’objet de plusieurs avis du Conseil national de la transition écologique, du Haut Conseil pour le Climat, du Conseil national d’évaluation des normes, des Collectivités d’outre-mer et Corse, et enfin de l’Autorité environnementale, avant de faire l’objet d’une consultation finale du public par voie dématérialisée.