Le 28 juin 2021, le CTIFL (1) est revenu sur l’épisode de gel du printemps 2021, qui aura marqué les esprits autant que les vergers. Plusieurs leviers d’action ont été identifiés pour se protéger contre cet aléa, et les autres conséquences du changement climatique.

 

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1. La connaissance du secteur, de l’exploitation et de la parcelle

« Il y a encore beaucoup de travaux à entreprendre pour équiper et avoir une meilleure connaissance des zones de culture », estime Sandrine Codarin, du CTIFL. Et de souligner l’importance :

  • De réaliser une analyse du risque gel ;
  • D’avoir une bonne connaissance de la topographie du site ;
  • De repérer où sont implantées les haies ;
  • De connaître les cultures avoisinantes.

 

Il est aussi important d’implanter des capteurs météo sur les sites de production et d’utiliser des outils d’aide à la décision (OAD) pour aider aux difficiles prises de décision.

2. Le choix du matériel végétal

Dans le cas de l’implantation d’une nouvelle parcelle, « la première question à se poser c’est le choix de l’espèce, en fonction du site et de sa sensibilité au gel », indique-t-elle. Par exemple, le poirier fleurit assez tôt et disposer d’une protection par aspersion sur frondaison apparaît judicieuse.

 

Le choix variétal est aussi important. Le CTIFL note un besoin de progresser sur les connaissances à ce sujet, et particulièrement dans le cadre d’un renouvellement variétal important.

 

Par ailleurs, « le porte-greffe va devenir de plus en plus important dans la gestion des aléas climatiques », souligne Sandrine Codarin. C’est en effet lui qui impose le rythme de développement au végétal, un point important dans le cadre de la gestion du risque de gel en automne.

3. Les pratiques culturales

Le mode de conduite a son importance. « Des arbres conduits avec une hauteur importante sont moins sensibles au gel que les arbres conduits en vergers piétons », illustre-t-elle.

 

Au sujet de la présence de couverts végétaux, le CTIFL note une certaine ambivalence. « Ils sont plutôt favorables à la gestion de la structure du sol et à sa capacité à retenir l’eau. Mais ce sont des éléments préjudiciables quant à la sensibilité au gel des parcelles », note-t-elle. Pour être efficace, l’aspersion sous frondaison doit se faire sur une surface enherbée, mais la présence d’herbe augmente paradoxalement le risque de gel.

 

Les filets peuvent, quant à eux, jouer un rôle d’écran dans la perte des rayonnements situés dans l’infrarouge.

4. Les moyens de lutte active

La gestion de la ressource en eau apparaît fondamentale. « L’aspersion est un moyen très efficace pour lutter contre le gel. Cependant, cette pratique peut avoir un impact négatif sur la structure du sol, étant donné les grandes quantités d’eau qui sont utilisées lors des épisodes de gel. »

 

Sur les autres méthodes de protection, des améliorations peuvent être apportées (bruit des tours à vent, besoin de main-d’œuvre pour l’allumage des bougies…).

Combiner les moyens de lutte

Certains agriculteurs font le choix de combiner plusieurs moyens de lutte active. C’est par exemple le cas de Jérôme Capel, arboriculteur dans le Tarn-et-Garonne. Il combine quatre moyens de lutte en fonction des avantages et des inconvénients de chaque système : aspersion sur frondaison, tour à vent, frostbuster (diesel ou gaz) et bougies (seules ou avec tour à vent).

 

Jérôme Capel fait ses choix en fonction de la topographie (vallées, coteaux ou plateaux) et du type de production (fruits à pépins ou à noyau), plus ou moins tolérantes à l’eau sur ses sols argileux. « Si c’est une parcelle où on a de l’eau facilement et que l’espèce le tolère, on utilise l’aspersion », explique-t-il.

 

Si l’eau vient à manquer, il utilise des tours à vent. « Si ce sont des fruits à noyau, on passe en tour à vent, puis en aspersion après nouaison. Et si la parcelle est trop exiguë ou difficile d’accès, on utilise des bougies antigel ou du frosbuster. »

L’aspersion, pas une « solution miracle »

La fréquence et l’intensité des derniers épisodes de gel amènent nombre d’arboriculteurs à s’équiper pour lutter contre cet aléa, notamment via le plan de relance. Lorsque la ressource en eau est disponible, l’aspersion apparaît comme le moyen de lutte le plus efficace.

 

Mais Éric Guasch, président délégué de la commission internationale d’Interfel, appelle à la prudence : pour lui, ce n’est pas une « solution miracle » face aux événements exceptionnels. Il relate l’expérience de certains arboriculteurs qui « pensaient être sortis de l’auberge en ayant tout aspergé », mais qui ont constaté des dégâts importants à la fonte de la glace.

 

« Il ne faudrait pas se dire que l’eau est la seule solution », estime Pierre Veyrat, membre de la commission des fruits et légumes de la Confédération paysanne. Il alerte sur le manque de disponibilité de cette ressource. Selon lui, il ne faut pas « s’engouffrer » dans cette voie qui n’est pas à la portée de tous. Il appelle à avoir une réflexion sur la résilience dans sa globalité.

 

La question de la gestion de l’eau nourrit actuellement le Varenne lancé par Julien Denormandie le 28 mai 2021.

 

> À lire aussi : Le décret qui encadre la gestion de l’eau est paru (24/06/2021)

(1) Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.