Des souches de mildiou de la pomme de terre résistantes aux principaux fongicides, et en particulier aux amides d’acide carboxylique (CAA) et oxathiapiproline, se développent en Europe du Nord, et migrent au Sud. La lignée 43_A1, dont une partie importante des souches est résistante à la famille des CAA (et notamment à la mandipropamide), a été découverte en 2018 au Danemark.
En 2024, elle a été mise en évidence dans les populations françaises de Phytophthora infestans. Pierre Deroo, ingénieur Arvalis, est revenu sur les facteurs qui ont favorisé l’émergence et la sélection de cette lignée, lors de la journée technique pomme de terre du 21 novembre dernier.
Un terrain favorable
Dans les pays du Nord, l’agent du mildiou se reproduit de manière asexuée mais aussi sexuée, ce qui n’est pas le cas en France. Il en découle une grande variabilité génétique de populations de Phytophthora infestans, ce qui favorise l’apparition de mutations et augmente la probabilité de résistance.
« Une mutation est un mécanisme aveugle et aléatoire, précise l’ingénieur. Si nous ne sommes pas responsables de son émergence, nous le sommes de sa sélection : plus on applique une pression de sélection en faveur de son caractère de résistance, plus sa fréquence augmente. » La diversité des variétés cultivées au Danemark est par ailleurs faible, et la plupart sont sensibles au mildiou.
À cela s’ajoutent une « faible gestion agronomique » et une faible diversité de modes d’action. « La protection repose presque exclusivement sur un usage conséquent de fongicides, dont la diversité de modes d’actions est faible », souligne Pierre Deroo. Selon Arvalis, le nombre de matières actives autorisées contre le mildiou est plus restreint au Danemark qu’en France (5 en 2022 contre plus de 10 en France).
L’ingénieur souligne de plus une mauvaise stratégie fongicide, avec la pratique de « blocs », c’est-à-dire l’utilisation successive d’un même produit 3 à 5 fois. « C’est le terrain parfait pour que les caractères de résistances se développent », appuie-t-il.
Réaction tardive et coûteuse
« La pratique en blocs a continué jusqu’en 2022. Le génotype 43_A1 résistant a fortement progressé, jusqu’à représenter plus de la moitié de la population danoise de Phytophthora infestans », indique Pierre Deroo. La gestion de la résistance a commencé à partir de 2023, une réaction « tardive et très coûteuse », commente l’ingénieur.
Les danois ont mis en place un programme fongicide en alternance « à 15 traitements avec des mélanges systématiques d’au moins deux matières actives différentes », poursuit-il. Cela a permis de diminuer drastiquement la fréquence du génotype 43_A1. Ainsi en termes de gestion des résistances, « mieux vaut prévenir que guérir », appuie Pierre Deroo.