C’est une histoire de prix : l’inflation booste les marques de distributeur (MDD). « En 2024, les marques nationales reculent au profit des MDD », décrypte Christine Goscianski, chargée d’études en économie agricole à l’Institut de l’élevage (Idele), lors d’une conférence au Space à Rennes, le 19 septembre 2024. Avec une progression de 26 % des prix des produits laitiers entre janvier 2022 et juin 2023, le consommateur s’oriente vers les produits sous MDD, moins chers. Et il n’y a pas photo : « Les écarts avec les marques nationales sont de –25 % pour les fromages libre-service, –35 % pour le lait liquide, –17 % pour le beurre, –30 % pour la crème, –35 % pour l’ultra-frais », rapporte Christine Goscianski. Résultat, l’Idele met en lumière une hausse de 3 % des ventes de beurres sous MDD « standard » entre 2021 et 2024 (voir l’infographique).

De même, dans le rayon de l'ultra-frais (yaourts, crèmes, etc.), les MDD « standard » gagnent 5 % de ventes entre 2021 et 2024. La part des marques nationales baisse de 3 % pour le beurre et de 5 % pour l’ultra-frais. Au total, la part de MDD parmi les ventes de beurre atteint 41 % sur le premier semestre de 2024. Du coté de l'ultra-frais, la répartition des ventes est presque égale entre MDD et marques nationales (47 % contre 46 %). La hausse des ventes totales de MDD est nuancée par le recul des ventes de MDD « premium », plus chères.

Prix du lait non impacté
Au-delà de la hausse des parts de marché des MDD, Christine Goscianski observe une « amélioration de la qualité » de ces produits. « Les enseignes alimentaires et les industriels communiquent sur la qualité de leurs produits laitiers. Au travers de la MDD, c’est l’image de l’enseigne qui est présentée au consommateur. »
Les MDD sont-elles une menace pour le prix du lait ? « En 2024, il n’y a pas d’impact sur le prix du lait. La formule de prix ne prend pas en compte cette différenciation entre marques nationales et MDD », rapporte Yohann Serreau, président de l’Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (Unell). Benoît Rubin, économiste à l’Idele, observe que « la loi Egalim est surtout utile lors des négociations sur les marques nationales ». Selon lui, « sur les MDD il y a parfois des difficultés pour trouver un accord sur la valeur de la matière première agricole ».
Pour d’autres, la MDD est une opportunité : « À la coopérative U, 25 % des volumes de lait qui partent en MDD sont contractualisés sous forme de contrats tripartites », explique Bertrand Morand, responsable des partenariats et des filières agricoles chez Coopérative U. De quoi « donner de la visibilité aux éleveurs sur le long terme ». Les MDD conserveront-elles le terrain gagné ? « La crise de 2008-2009 avait déjà connu pareil phénomène, avant que la consommation des produits de marques nationales ne finisse par revenir à la normale », se souvient Christine Goscianski.