L’histoire

Par acte du 18 novembre 1992, Matthieu avait donné à bail à Anne diverses parcelles de vignes. Le bail précisait que le fermage annuel était égal à « un cinquième de la récolte sur les parcelles louées, fruits bruts, bord de champ, non logés ». Anne ayant tardé à payer les fermages, Matthieu avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en vue de la désignation d’un expert judicaire pour évaluer les fermages dus depuis l’année 2013 en fonction de la récolte des parcelles louées.

Le contentieux

L’expert ayant déposé son rapport, Matthieu avait sollicité la résiliation du bail et la condamnation d’Anne à lui régler le montant des fermages dus pour la période des années 2013 à 2019. Anne avait réagi. La demande de Matthieu ne pouvait aboutir selon elle car la clause du bail relative à la fixation du fermage était nulle, ce que le tribunal paritaire devait constater.

Selon l’article L. 411-11 du code rural, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et des bâtiments d’exploitation, y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative. Ces dispositions d’ordre public ont donc vocation à s’imposer aux parties au bail. Et la jurisprudence admet que la quantité de denrées ne peut fluctuer au cours du bail en fonction de variables non conformes aux dispositions de l’article L. 411-11. Aussi, la clause d’un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite.

Anne s’était fondée sur ces principes pour demander la nullité de la clause. Par voie de conséquence, les juges devaient fixer le montant du fermage en tenant compte de la nature des cultures et en fonction des valeurs fixées par le préfet. Mais ni le tribunal paritaire ni la cour d’appel n’avaient été convaincus. Ils avaient rejeté la demande d’Anne en nullité de la clause. Pour eux, un fermage fixé par référence à la denrée visée par l’arrêté préfectoral alors applicable, mais ne respectant pas les minima et maxima fixés par l’autorité administrative, n’ouvre pas au fermier une action en nullité mais une action en révision.

Saisie par Anne, la haute juridiction a censuré cette motivation. Dès lors qu’ils avaient constaté que le fermage était fixé à un cinquième de la récolte produite sur les parcelles louées, les juges auraient dû en tirer les conséquences en annulant la clause.

L’épilogue

La cour de renvoi devra demander à nouveau à l’expert de calculer les fermages en tenant compte des valeurs fixées par l’arrêté préfectoral. Le bail n’étant pas résilié, Anne pourra poursuivre la mise en valeur des parcelles et devra seulement s’acquitter du montant du fermage fixé par les juges d’appel.