La chaîne des Pyrénées dresse une barrière naturelle entre la France et l’Espagne. Mais pour les éleveurs de la région, la limite est souvent plus souple quand arrive le temps des estives. Installé depuis 2003 dans les Pyrénées-Atlantiques, sur la commune de Larrau, Sébastien Uthurriague élève 200 brebis basco-béarnaises et manechs à tête rousse ainsi qu’une vingtaine de vaches allaitantes. Et quand ses animaux sont en montagne, ils font peu de cas de la frontière.
« Il arrive que nos brebis passent du côté espagnol où l’herbe est parfois de meilleure qualité, mais nous essayons de ne pas en abuser », explique-t-il. L’inverse se produit aussi. « Ça fonctionne dans les deux sens, des troupeaux espagnols passent en France également. Pour eux, c’est surtout afin d’accéder à des points d’abreuvement. Il arrive même que nos troupeaux se mélangent. Mais tout se passe bien. En général, nous travaillons en bonne entente avec les Espagnols », assure-t-il.
Un territoire, deux systèmes
Le territoire des éleveurs français et espagnols est semblable, mais leur modèle est bien différent. « Du côté français, nos élevages sont sur 35 à 40 ha avec autour de 300 brebis et une vingtaine de vaches. En Espagne, c’est autre chose. Ils ont moins d’éleveurs mais les troupeaux ovins sont plus grands, aux alentours des 2 000 têtes, constate Sébastien Uthurriague.
Ce sont des animaux pour la production de viande, quand chez nous ce sont surtout des races à lait pour le fromage. » Des collaborations sont tout de même possibles, comme avec le programme Ardi2 du centre départemental de l’élevage ovin, qui voit français et espagnols travailler ensemble à l’amélioration génétique ovine.
La proximité de l’Espagne a aussi l’avantage de mettre à portée un marché important pour Sébastien Uthurriague et les autres éleveurs de la région. Si le pays est déjà bien connu pour absorber de nombreux jeunes bovins venus de France, c’est aussi le cas en ovins.
« C’est un marché crucial pour nous, surtout pour l’agneau de lait. À l’époque de Noël, beaucoup de nos animaux partent là-bas. L’Espagne est un gros demandeur et nous dépendons beaucoup d’eux, c’est donc important de maintenir les liens », souligne-t-il.
Et au milieu, un indésirable : l’ours
Un autre individu de la région ne connaît malheureusement pas de frontière lui non plus. Il s’agit de l’ours. Menace constante des troupeaux, sa réintroduction fait l’unanimité contre elle de part et d’autre de la frontière. Parmi les nombreux lâchers, celui de 2018 a particulièrement marqué Sébastien Uthurriague.
« C’est un événement qui nous a vraiment unis avec les éleveurs espagnols. La réintroduction s’est décidée au niveau de l’État français mais nos voisins l’ont aussi subie. Quand cette ourse a débarqué en France, elle n’a pas tardé à franchir la frontière pour se retrouver en Aragon », relate Sébastien Uthurriague. Des inquiétudes rapidement fondées. « Des deux côtés, des troupeaux ont été attaqués. C’est incompatible avec le pastoralisme et sur ce sujet, les Espagnols sont bien d’accord avec nous. »