La patate chaude se passe de main en main depuis plus d’un an et permet, en attendant les décisions de la justice, que les appellations animales du type « steak » et « lardon » demeurent autorisées pour les simili-carnés à base le plus souvent de pois chiche, de soja et de blé. Le rapporteur public a présenté le 28 juin 2023 ses conclusions qui renvoient en effet l’affaire portée par l’association Protéines France, devant la Cour de justice européenne (CJUE), a-t-on appris par nos confrères des Échos. Le Conseil d’État se prononcera sur le fond du décret et décidera de son éventuelle annulation, seulement après l’arrêt de la CJUE.
Un décret déjà validé par la Commission européenne
L’association Protéines France (1) avait déposé, le 22 juillet 2022, un référé-suspension contre un décret du gouvernement interdisant les appellations animales pour les substituts de viande à base de végétaux, paru le 30 juin au Journal officiel après validation par la Commission européenne. Cinq jours plus tard, le Conseil d’État suspendait ce texte. Il rétablissait par la même occasion la légalité des dénominations animales pour tous ces produits végétaux transformés. La juridiction estimait en effet que les membres de l’organisation ne pourraient, comme ils s’en plaignaient, se conformer dans un laps de temps aussi court aux nouvelles exigences de la réglementation.
La Répression des fraudes, la DGCCRF, avait auparavant pourtant jugé suffisant le délai de deux ans. Elle avait aussi relevé, en 2020, au cours d’une enquête menée auprès de distributeurs des « dénominations trompeuses », citant pour exemples le « filet végétal façon canard », le « jambon roulé aux herbes » et le « bacon végan ».
Protéines France d’une seule voix « pour le moment »
Depuis environ trois ans, Protéines France est mobilisée contre ce texte prévu par la loi Egalim 2 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires. Alors que parmi ses membres, des voix dissonantes s’étaient fait entendre en juillet 2022, à l’issue de la suspension du décret gouvernemental, la prudence est aujourd’hui de mise. Interrogés sur le renvoi, « nous ne réagissons pas sur ce dossier », nous a indiqué l’association Protéines France. Les membres du groupe interrogés n’ont pas souhaité réagir sur l’affaire. Avril nous a notamment indiqué « prendre acte de cette décision, mais ne pas souhaiter la commenter pour le moment ». Le 29 juillet 2022, le groupe Avril avait déclaré n’avoir « pas souhaité s’associer à la démarche initiée par l’association ». Avant d’ajouter : « Avril considère que les protéines végétales doivent être promues en tant que telles dans des aliments, sans forcément imiter les dénominations de produits alimentaires existants. » Le groupe, « à la croisée entre monde animal et monde végétal », soulignait-il, déclarait encore regretter la polémique et entendait « poursuivre son engagement auprès des filières d’élevage tout comme son engagement à soutenir le potentiel de croissance des filières végétales ».
Depuis cinq ans, cette association polymorphe compte parmi ses trente-neuf membres, des start-ups comme Happyvore, La Vie et Umiami, des groupes industriels ou coopératifs comme Avril, Roquette, Tereos et Vivescia pour ne citer que les fondateurs, ainsi que des instituts techniques tels Terre Inovia (membres associés) et des distributeurs à l’instar du groupement Les Mousquetaires. Elle vise « à fédérer et catalyser le développement en France des protéines végétales et des nouvelles ressources protéiques » du type algues, insectes et issues de micro-organismes.
(1) Protéines France réunit les entreprises Algama, Arbiom, Axéréal, Avril, Cosucra, Dat Schaub, Devore Food, Fermentalg, Groupement Les Mousquetaires, Happyvore, Herta, Iff, Innovafeed, La Vie, Le Gouessant, Lesaffre, Lidea Seeds, Nestlé, Nutrition & Santé, Nxtfood, Olga, Planted, Puratos, Roquette, Royal Canin, Saatbau, Savencia, Sotexpro, Soufflet, Tereos, Terrena, Umiami, Via Végétale, Yeasty, Vivescia et Ÿnsect. Interchanvre, Iterg et Terres Inovia figurent parmi ses membres associés.