Dans le contexte mouvementé des gilets jaunes, c’est sans doute la proximité avec les préoccupations de leurs administrés qui a conduit les maires ruraux à ouvrir des cahiers de doléances. Et cela dès début décembre, bien avant l’annonce du Grand débat national. À la clé : des dizaines de milliers de contributions.
Dans la synthèse présentée mi-janvier au président de la République, la question de la fracture territoriale arrive juste derrière les sujets sensibles de la justice sociale et fiscale. Face à un État central, jugé déconnecté des réalités rurales, les habitants des campagnes disent pourtant que « le mode de vie rural est porteur d’avenir » avec « des communes riches en humanité ». « Respectez-nous et venez nous voir », peut-on y lire.
Dans ces nombreuses contributions, l’agriculture et la Pac ne sont pas oubliées. Mais puisque dans le Grand débat aucun sujet n’est exclu, autant y porter aussi des revendications agricoles, que ce soit sur le revenu des actifs et des retraités, les contraintes administratives ou la Pac qui se délite. Rien de ce qui pourrait marquer l’esprit de nos gouvernants ne doit être négligé.
Pour certains, le débat sur l’agriculture a déjà eu lieu avec les États généraux de l’alimentation (EGA). C’est exact. Mais si l’objectif central de ces EGA était le juste partage de la valeur ajoutée au sein des filières, on s’aperçoit qu’il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Alors que la loi Egalim a été promulguée, les effets se font attendre. Le comportement des distributeurs, toujours engagés dans la guerre des prix, ne semble pas avoir beaucoup changé quand on voit, par exemple, la pression exercée sur le secteur du bio. Et si la construction des prix sur la base des coûts de production va dans le bon sens, la mise en pratique peut s’avérer très difficile dans certaines filières comme la viande bovine. Reste maintenant à attendre la publication de l’ordonnance sur les prix abusivement bas, censée faciliter les recours en justice. Si le ministre de l’Agriculture met en garde les distributeurs contre de mauvaises pratiques, seuls des contrôles efficaces et de véritables sanctions permettront d’aboutir à un meilleur partage de la valeur ajoutée. Bref, assurer aux agriculteurs de vivre correctement de leur travail, comme c’était l’objectif initial des EGA.
Comme quoi, il ne suffit pas de débattre. Pour arriver à ses fins, il faut rester vigilant et ne rien lâcher jusqu’à la mise en application définitive des mesures. Au risque sinon de pousser des « Oh ! » de dépit.