Atteindre les objectifs fixés d’ici à 2030 par l'Union européenne en matière de réduction de gaz à effet de serre (–35 %), de baisse des pesticides (–50 %), ou d’agriculture bio (25 % de la SAU), ne sera pas possible sans détériorer le revenu que la plupart des agriculteurs peinent déjà à dégager malgré le niveau élevé des aides, prévient l’économiste de l'Inrae, Cécile Détang-Dessendre. "On est sur un pas de temps trop court et les incitations financières ne sont pas suffisantes", expliquait-elle, le 9 décembre 2022, lors d’une conférence organisée à Dijon par le groupement d’ experts-comptables et d'avocats AgirAgri.
Les incitations financières sont insuffisantes
L’agriculture évolue dans un cadre compliqué où les ambitions de l’Union européenne et de la France en matière de neutralité carbone se télescopent avec les événements géopolitiques imprévus (crise du Covid, guerre en Ukraine) et des retournements de marché non anticipés (tassement de consommation, en particulier sur le bio).
Produire autant de biomasse avec des pratiques bio ou agroécologiques n’est actuellement pas faisable, estime la directrice scientifique adjointe de l'agriculture à l’Inrae de Dijon. Pour compenser les écarts de rendement et de revenu, les moyens proposés ne sont pas à la hauteur. Les arbitrages rendus en faveur du bio dans le PSN (plan stratégique national) français — 30 € de plus à l'hectare pour le bio par rapport à la certification HVE (Haute valeur environnementale) — ne sont ainsi pas suffisamment incitatifs.
Rémunérer les services environnementaux
L’idée de rémunérer les exploitations pour les services environnementaux rendus constituerait un vrai levier de la transition agroécologique. Mais elle se heurte pour l’instant à l’orthodoxie politique de la direction générale de l'Agriculture de la Commission européenne, qui estime à tort, que ces paiements sont incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), soulève l'experte.
Pour elle, les écorégimes mis en place dans la nouvelle Pac — obligatoires pour les États et facultatifs pour les agriculteurs — ne répondent pas à ce besoin : "Les écorégimes ressemblent à un service environnemental mais n'en sont pas, pointe Cécile Détang-Dessendre. Ils amènent plutôt du manque à gagner sur les exploitations."
Impliquer le consommateur
Alors qui doit payer le prix de la transition ? C'est la question que pose Cécile Détant-Dessendre : "Les consommateurs qui le peuvent doivent accepter de mettre plus d’argent sur l’alimentation, avance-t-elle. Il va falloir faire des arbitrages qui auront un coût. Les agriculteurs sont une partie de la solution à condition qu’on les soutienne financièrement."