Les graines oléagineuses et les céréales voient leur prix s’envoler avec le niveau de récolte catastrophique du Canada, des États-Unis et les déboires dans l’Union européenne.

Le recul de la production mondiale de blé confirmé

Les facteurs décrits la semaine dernière ont de nouveau encouragé l’escalade des prix du blé. À cause des conditions catastrophiques au Canada et au nord des États-Unis, des rendements nettement moins bons que prévu en Russie et des conditions en Europe, notre estimation de la récolte mondiale de blé a perdu 14 millions de tonnes en un mois.

 

Dans sa publication sur l’offre et la demande mondiale du jeudi 12 août 2021, le ministère de l’Agriculture des États-Unis, l’USDA, est venu entériner cette situation : il a réduit de 15,5 millions de tonnes sa propre estimation de la production mondiale, ce qui contribue à une révision en baisse des stocks mondiaux de blé.

 

Nous prévoyons pour le Canada une récolte tous blés de 22 millions de tonnes, alors que l’USDA n’est pas encore descendu aussi bas (24 millions de tonnes). En revanche, l’effet de surprise est venu de l’estimation que le ministère américain a fait de la récolte russe : 72,5 millions de tonnes, un niveau dans le bas de la fourchette des analystes (nous retenons pour l’instant un chiffre plus proche de 75 millions de tonnes).

 

L’USDA a également revu en baisse la récolte américaine à 46,2 millions de tonnes (-0,7 millions de tonnes par rapport au mois dernier et -3,5 millions de tonnes par rapport à 2020). Les chiffres nord-américains étaient attendus, mais l’estimation russe a semé l’effroi. Même avec une récolte russe comprise entre 75 et 80 millions de tonnes, le bilan mondial s’annonce maintenant extrêmement tendu.

 

Jusqu’à maintenant, le blé apparaissait attractif par rapport au maïs. Une très forte hausse de la consommation animale mondiale de blé devait alors se produire et soulager le bilan de maïs. Or, l’offre n’apparaît plus suffisante pour faire face à une telle hausse de demande. De plus, les besoins de la Turquie et des autres pays du Proche Orient sont très élevés à cause de la sécheresse qui a détruit une partie de leur récolte.

Une situation du blé tendue dans l’Union européenne

Dans l’Union européenne, la moisson progresse très lentement à l’ouest à cause des pluies. En France, les jours qui viennent vont sans doute permettre une accélération des opérations de récolte et ainsi d’y voir plus clair au niveau qualitatif, les plus grandes inquiétudes concernant le PS.

 

À cause des pertes dues aux excès d’humidité en France et an Allemagne, et au contraire à l’excès de sec dans le nord de l’Union européenne, la récolte européenne est revue en baisse. Nous l’estimons à 131,5 millions de tonnes, dont 36,95 millions de tonnes en France, ce qui représente une perte de plus de 1,5 million de tonnes sur un mois.

 

L’Union européenne va être amenée à exporter de gros volumes à cause du manque d’offre en mer Noire et en Amérique du Nord. Ses stocks en fin de campagne resteront donc très bas. Se pose en outre la question de savoir si sa qualité permettra bien de répondre à la totalité de la demande potentielle.

 

Dans ce contexte, rendu Rouen, le blé meunier a gagné plus de 20 €/t en une semaine, à 251 €/t (base juillet) ; à la Pallice les blés se sont même appréciés de presque 26 €/t (251 €/t aussi) de même que l’échéance septembre du Matif (255,25 €/t en milieu d’après-midi soit +25,75 €/t par rapport à la clôture de vendredi dernier). Cela propulse le blé Fob Rouen à 301 $/t, une progression de 26 $/t depuis la semaine dernière (peu de variations des taux de change cette semaine).

 

La progression des prix français est voisine de celle des blés de la mer Noire qui restent moins chers néanmoins, à 290 $/t Fob pour le blé russe à 12,5 % de protéine et 278 $/t pour le blé ukrainien à 11,5 %. La hausse de cette semaine est beaucoup plus marquée de ce côté-ci de l’Atlantique qu’aux États-Unis, où les prix ne gagnent « que » 13 $/t pour le blé de basse qualité meunière SRW, et 18 $/t pour le blé de bonne qualité meunière HRW.

Nouveau bond des prix des orges fourragère

L’orge fourragère flambe elle aussi : elle gagne 17 €/t rendu Rouen (à 238 €/t base juillet) et 24 €/t Fob Moselle à 227 €/t (base juillet). Comme en blé, la confirmation d’une récolte catastrophique au Canada continue d’exercer son impact sur le marché mondial.

 

Dans l’Union européenne, la récolte sera inférieure de plus de 2 millions de tonnes à celle de l’an passé (à 53 millions de tonnes pour l’UE à 27). De plus, notre prévision vient de diminuer de nouveau ces dernières semaines à la suite des résultats engrangés en Allemagne, en Pologne, dans les pays baltes, en Espagne et en France.

 

La récolte mondiale d’orge chute de 9 % par rapport à celle de 2020 (Amérique du Nord, Union européenne et proche Orient). Face à cet effondrement, la consommation mondiale est attendue en baisse dans le secteur animal, y compris en Chine. Néanmoins, dans ce dernier pays, elle restera très élevée à la suite de la reconstruction du cheptel porcin et du manque de maïs. Or, la Chine ne pourra pas compter beaucoup sur le Canada cette année. Sa demande va donc se reporter sur l’Union européenne et la France, puisque les tensions diplomatiques restent vives entre l’Australie et la Chine.

 

La situation de l’offre et de la demande mondiales s’annonce si difficile à équilibrer que les orges françaises ne sont pas boudées par la Chine, malgré leur prime de plus de 30 $/t par rapport aux orges ukrainiennes. Le prix des orges a aussi été poussé par celui du blé cette semaine.

 

À noter, un achat de la Tunisie en début de semaine pour 100 000 tonnes à charger sur août-septembre. Il y a toutefois peu de chance que l’origine française soit retenue pour servir cet achat.

 

Sur le créneau brassicole, les prix sont restés plus calmes : +6 €/t pour les orges d’hiver Fob Creil à 2410 €/t et +9 €/t pour les orges d’hiver Fob Creil à 262 €/t. Les prix brassicoles n’ont pas grimpé autant que les valeurs fourragères du fait de la prime des orges brassicoles par rapport aux orges fourragères qui était déjà très élevée.

Le maïs suit timidement

Les prix du maïs de l’ancienne récolte ne bougent quasiment pas cette semaine, mais ceux de la nouvelle récolte suivent l’évolution des prix des céréales à paille. Le maïs Fob Rhin gagne 17 €/t à 238 €/t et le maïs Fob Atlantique monte de 12,5 €/t à 227 €/t (base juillet).

 

Les perspectives de récolte en maïs n’ont pas du tout subi le même sort que celles de blé et d’orge dans l’Union européenne. Au contraire, le climat humide de l’ouest de l’Union européenne est favorable aux cultures. Même si les perspectives se sont dégradées en Europe centrale et du sud-est, la récolte de maïs devrait grimper par rapport à l’an passé dans l’Union européenne, 66 millions de tonnes contre 63, et en France à 13,6 millions de tonnes contre 13,2 l’an passé. Les prévisions sont excellentes en Ukraine.

 

L’USDA a nettement baissé hier son estimation de la récolte américaine à 374,7 millions de tonnes (contre 385,2 auparavant). Notre estimation se situait déjà à un niveau inférieur à 380 millions de tonnes, mais la baisse a surpris par son ampleur et fait nettement monter les prix à Chicago. Le maïs américain gagne ainsi 10 $/t cette semaine à 269 $/t Fob Gulf. Il tire derrière lui les cotations ukrainiennes et brésiliennes, elles-mêmes soutenues par les révisions en baisse de la récolte en cours au Brésil.

 

Le maïs s’est donc renchéri, mais ce sont désormais les céréales à paille, par leur tension extrême, qui tirent le marché et non plus le maïs.

Le prix du colza retrouve le sommet

Avec une hausse de prix de 14 à 16 €/t sur la semaine selon les places de marché, le colza retrouve les prix records du printemps 2021, à 556,50 €/t rendu Rouen et 558,5 €/t Fob Moselle. Les très mauvaises conditions des canolas canadiens ont encore empiré ces derniers jours, et ont entraîné la forte progression du prix des colzas français.

 

Les fortes chaleurs et le manque d’eau persistants font craindre un rendement très faible cette année au Canada. Il n’est pas impossible que la production y soit inférieure à 16 millions de tonnes, contre 19,2 l’an passé, alors que la surface semée avait fortement progressé. Les pertes de rendements et de surfaces sont dues au sec et surtout aux températures records du mois de juillet.

 

Par ailleurs, la moisson démarre très en avance cette année, la chaleur ayant accéléré la maturation des graines et fortement diminué le taux d’humidité. Habituellement les agriculteurs canadiens moissonnent en deux fois : ils coupent d’abord les cultures en andains, puis récoltent les graines une fois séchées, quelques jours après la première coupe. Cette année, la récolte directe, sans passer par la mise en andains, devrait prendre de l’ampleur.

 

Les bonnes récoltes qui sont attendues ailleurs, notamment dans l’Union européenne, comme en mer Noire ou en Australie, ne seront pas suffisantes pour combler la chute des disponibilités au Canada. La production mondiale de colza devrait même diminuer en nouvelle campagne par rapport à 2020-2021, ce qui devrait contribuer à soutenir les prix des oléagineux sur les prochains mois.

Cours du soja soutenus par le rapport mensuel de l’USDA

Depuis la semaine dernière, le soja se maintient à 515 $/t à Chicago sur le rapproché, et s’apprécie de 5 $/t sur l’échéance novembre (493 $/t). Les prix de l’ancienne récolte étaient néanmoins sujet à une certaine agitation sur les derniers jours : ils avaient atteint 532 $/t le 10 août avant de baisser à la suite de la publication du rapport de l’USDA.

 

C’est principalement sur les échéances de nouvelle récolte que le soutien du rapport mensuel américain s’est fait sentir. En effet, l’USDA annonçait hier une révision en baisse du rendement national de 3,42 à 3,36 t/ha, intégrant les effets du stress hydrique des dernières semaines sur les plants de soja, surtout au nord du pays.

 

Au Brésil, les prix n’ont augmenté que de 1 $/t sur la semaine (à 553 $/t). Les exportations brésiliennes estivales sont bien moins dynamiques qu’au printemps, avec pour principale raison une demande chinoise faible, qui se concentre pour le moment sur l’origine américaine pour des livraisons en nouvelle campagne.

 

La Chine annonçait d’ailleurs cette semaine une révision à la baisse de ses prévisions d’importations de soja sur 2021, en raison d’un affaiblissement des marges de trituration sur la fin de campagne. La chute du prix du porc sur le marché chinois pèse sur la demande en tourteaux, les éleveurs limitant le recours aux matières riches en protéines pour réduire leurs coûts de production.

Hausse du prix du tourteau de soja à Montoir, et du pois fourrager départ Marne

Récemment, les statistiques d’exportations argentines montraient une baisse de 8 % sur les mois de mai, juin et juillet par rapport à l’année dernière, et de 26 % par rapport à la moyenne quinquennale. Cette faible cadence s’explique en bonne partie par les niveaux d’eau très bas du fleuve Paraná, générant une tension sur le fret et une priorité allouée aux exportations de maïs. Cette situation de basses eaux est critique, il est désormais envisageable qu’elle se prolonge sur la prochaine campagne.

 

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Cette situation génère une baisse des prix en Argentine, où les stocks de tourteaux de soja s’accumulent, mais une hausse en Europe, où les disponibilités en tourteau argentin sur le court terme sont limitées, ce qui soutient la demande en tourteau produit localement. Ainsi sur le rapproché, la tonne de tourteau de soja perd en une semaine 3 $/t en Argentine (à 400 $/t). En revanche à Montoir, elle gagne 10 €/t pour atteindre 410 €/t.

 

En Asie, des annonces ont été faites par l’Inde cette semaine, qui autoriserait l’importation de 1,5 million de tonnes de tourteaux OGM pour nourrir son cheptel de volailles, alors que jusqu’à présent les aliments OGM y étaient interdits. Cela a pour but de faire baisser les prix du tourteau local, qui a atteint ces dernières semaines des niveaux prohibitifs par manque de disponibilité. De plus, un plan de financement de 1,5 milliard de dollars devrait être alloué aux cultures oléagineuses indiennes, pour renforcer les filières et la sécurité alimentaire du pays.

 

Le pois profite aussi de l’aubaine d’une faible disponibilité en matières importées, et voit son prix grimper de 10 €/t en une semaine (qualité fourragère, départ Marne).

Le tournesol grimpe à la suite du colza

Les tournesols en Europe et en mer Noire sont à des stades divers, avec parfois deux semaines de retard sur le calendrier cultural habituel. Ils sont par endroits en formation de fleurs tandis que d’autres champs en sont au stade maturation.

 

Une excellente récolte pourrait se confirmer si le mois d’août n’est pas trop chaud ou trop sec en Europe et en mer Noire. En effet, en Russie, l’organisme de statistiques officielles a finalement publié la surface de tournesol 2021, à 9,64 millions d’hectares, en hausse de 1,34 million d’hectares par rapport à la campagne précédente, ce que la plupart des opérateurs de marché anticipaient. Auparavant, la surface de tournesol avait été estimée en baisse par le service officiel de statistique russe. Cela pourrait permettre une production record en mer Noire et au niveau mondial.

 

Malgré cette nouvelle très positive pour l’offre mondiale, le prix du tournesol Fob mer Noire sur septembre a augmenté de 10 €/t sur la semaine. En effet, le mois d’août pourrait s’avérer beaucoup trop sec dans le centre de la Russie, selon les prévisions météorologiques, avec des températures dépassant de 5 à 10 degrés les normales de saison, ce qui pourrait fortement réduire le potentiel des cultures. La météo des deux à trois prochaines semaines sera clef pour la production russe.

 

De plus, le prix du tournesol est soutenu par le colza. La demande en tournesol est soutenue dans les pays émergents se fournissant habituellement largement en canola canadien (Pakistan, Chine…) mais aussi dans tous les autres pays importateurs, où les marges de trituration du tournesol importé de la mer Noire apparaissent excellentes, en raison des prix très élevés de l’huile.

À suivre : récolte de blé en Russie et au Canada, fin des moissons de céréales à paille dans l’Union européenne, climat en mer Noire (tournesol), et en Amérique du Nord (canola, soja), prix du pétrole, demande des pays émergents en huiles, situation sanitaire mondiale, politique biocarburants des États-Unis.